Le roi Fahd d'Arabie Saoudite, qui arrive à Washington aujourd'hui, apporte avec lui une liste d'achats d'armes totalisant au moins 3 milliards de dollars. Il demande des avions de combat F-15, des missiles crotales, des tanks M1-, des systèmes aéroportés d'alerte et de contrôle (AWACS), et un grand nombre d'armes mineures. L'administration Reagan a décidé de procéder à un examen complet avant de répondre à sa demande.
Par la suite les Etats-Unis devraient-ils accepter de vendre au roi ce qu'il recherche? Paradoxalement, les liens entre les deux pays ne vont pas s'améliorer ; plus probablement, ils seront compromis.
C'est exactement ce qui s'est passé après que l'Arabie saoudite a gagné le droit d'acheter cinq avions AWACS en octobre 1981. Même si les partisans de la vente avaient prévu une reprise dans les relations avec l'Arabie saoudite, l'inverse s'est produit: les Saoudiens ont immédiatement pris des mesures inamicales. Ils ont fait payer 2 dollars de plus par baril de pétrole un jour seulement après le vote du Sénat, forçant le prix à un niveau record de 34 dollars le baril. En l'espace d'un mois, ils ont donné plus de 28 millions de dollars à l'Organisation de libération palestinienne et participé à une campagne urgente contre l'accord d'Oman pour coopérer militairement avec les Etats-Unis.
Ces trois politiques - la hausse des prix du pétrole, l'aide à l'OLP, et le sabotage des efforts de défense américaine dans le Golfe Persique - ont ensuite été répétées de nombreuses fois dans les années qui ont suivi.
Les dirigeants saoudiens sont allés s'associer aux ennemis de l'Amérique, y compris la Syrie, la Libye et l'Union soviétique. Ils ont soutenu l'occupation syrienne du Liban et ont appelé au retrait des forces américaines. Les relations diplomatiques avec la Libye ont repris en janvier 1982; le contact avec l'Union soviétique a commencé à la mi-1983 pour la première fois depuis de nombreuses années.
En outre, les Saoudiens ont entravé les deux initiatives majeures de l'administration Reagan pour le Moyen-Orient. Ils ont fait pression sur la Jordanie pour qu'elle n'accepte pas le plan de Reagan et ils ont approuvé l'opposition syrienne à l'accord israélo-libanais de mai 1983.
En échange, les États-Unis ont accepté de vendre leurs armes les plus avancées à l'Arabie Saoudite, et cette dernière a répondu par une profusion d'actes hostiles. Pourquoi?
L'ingratitude et la perfidie ne sont pas l'explication. Au contraire, la réponse réside dans les besoins opposés des gouvernements saoudien et américain.
A Riyad, le maintien d'une distance avec Washington est d'une importance fondamentale. Une identification trop étroite avec une superpuissance rend un souverain musulman vulnérable à l'accusation de dissiper sa souveraineté. Peu de choses montent une population musulmane contre les autorités autant que cela. Si le Shah d'Iran et Anouar el-Sadate ont oublié cette leçon, les monarques saoudiens n'oublient pas de garder leurs distances, publiquement du moins, vis-à-vis des États-Unis. Pour conserver sa légitimité, le roi Fahd ne peut pas se permettre de donner l'impression, même en apparence de prendre ses ordres de Washington. Par conséquent, il exige que la coopération entre les pays soit limitée et très calme.
Dans le cours normal des événements, le gouvernement américain va sortir de sa manière d'être pour accéder aux exigences saoudiennes de confidentialité. Par exemple, les Saoudiens et d'autres états arabes se sont vus accorder le privilège unique d'avoir la liste de leurs investissements aux Etats-Unis tenue secrète.
Mais parce qu'elle nécessite l'approbation du Congrès, la vente d'armes de gros calibre ne peut être faite sans bruit. La controverse sur la gentillesse de l'Arabie Saoudite envers les Etats-Unis invite à d'intenses débats - et à faire de la publicité – sur la sagesse de partager avec lui les armes les plus avancées.
Le Congrès a d'abord rechigné à la proposition de l'administration Reagan de la vente des AWACS en 1981. Pour gagner l'approbation, le président Reagan a assuré le Sénat que les AWACS seraient transférés seulement après avoir certifié que «les initiatives envers la résolution pacifique des conflits dans la région ont ... été réalisées avec l'aide substantielle de l'Arabie Saoudite. » En bref, il a publiquement proclamé que l'Arabie saoudite continuerait de servir la diplomatie américaine au Moyen-Orient.
Cela a aidé le Congrès, mais a menacé les dirigeants saoudiens dans leur propre pays. En réponse, le roi a affirmé l'indépendance saoudienne en accomplissant un grand nombre d'actes hostiles contre les Etats-Unis, et les relations entre les deux pays se sont nettement détériorées.
La spirale descendante qui a eu lieu après octobre 1981, sera vraisemblablement répétée si l'actuelle demande saoudienne d'armes sera accordée. Encore une fois, le président mettra l'accent sur l'utilité du gouvernement saoudien et encore une fois ceci provoquera des actions hostiles de la part de l'Arabie saoudite.
Si un partenariat stable est jamais construit avec Riyad, il sera basé sur des relations modestes et discrètes, et non sur les shows des armes.