Depuis la création de l'État d'Israël, les principaux soutiens de l'antisionisme ont toujours été les Palestiniens, les Arabes et les musulmans, secondés par la gauche, depuis l'Union soviétique jusqu'aux professeurs de littérature. Mais il se peut que la situation soit en train de changer : alors que les musulmans se mettent peu à peu à accepter, à contrecœur et à des degrés divers, l'existence de l'État juif comme un fait, la gauche manifeste de plus en plus bruyamment et d'une façon de plus en plus obsessionnelle son rejet d'Israël.
Plusieurs éléments vont dans ce sens. Des sondages réalisés au Moyen-Orient révèlent que l'opposition à Israël se lézarde tandis qu'une étude américaine de premier plan montre que pour la première fois les libéraux démocrates sont davantage anti- que pro-israéliens. Les gouvernements saoudiens et égyptiens ont avec Israël de véritables relations en matière de sécurité alors qu'un personnage comme (le juif) Bernie Sanders déclare que « si les Israéliens veulent que nous ayons avec eux une relation positive, ils doivent alors, selon moi, améliorer leurs relations avec les Palestiniens. »
Pour illustrer cette situation, j'aimerais me concentrer sur un cas certes mineur mais exemplatif émanant d'une institution des Nations unies. Tout récemment, l'Organisation mondiale de la Santé a pondu un rapport (A69/B/CONF./1 du 24 mai 2016) portant le titre provocateur suivant : « Situation sanitaire dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et dans le Golan syrien occupé. Projet de décision proposé par les délégations du Koweït, au nom du Groupe arabe, et de la Palestine. »
Le document de trois pages appelle à « une évaluation de terrain effectuée par l'Organisation mondiale de la Santé » avec une insistance particulière sur des questions telles que « les incidents impliquant des retards ou le refus des services d'ambulance » et « l'accès des prisonniers palestiniens à des services de santé adéquats ». Bien entendu, l'ensemble du document épingle Israël comme empêchant le libre accès aux soins de santé.
Cet élément est particulièrement absurde quand on sait que l'OMS a engagé une conseillère originaire de la Syrie voisine et liée aux hautes sphères du régime d'Assad qui actuellement commet des atrocités estimées à un demi-million de morts et 12 millions de déplacés (sur une population totale qui avant la guerre était de 22 millions d'habitants). À l'inverse, la femme et le beau-frère de Mahmoud Abbas, le chef de l'Autorité palestinienne, dont le statut et le standing leur permettent de se faire soigner n'importe où dans le monde, ont choisi pour cela des hôpitaux israéliens, à l'instar de la sœur, de la fille et de la petite-fille d'Ismaël Haniyeh, dirigeant du Hamas à Gaza et ennemi juré d'Israël.
Mahmoud Abbas (à gauche) et Ismaël Haniyeh (à droite), sur une photo de 2007, comptent tous deux des proches qui ont eu recours à des soins médicaux en Israël. |
Malgré ces faits, l'OMS a voté, le 28 mai, en faveur du projet d'évaluation de terrain. Comme on pouvait s'y attendre, les résultats du vote ont été disproportionnés, avec 107 voix pour, 8 contre, 8 abstentions et 58 absences. Jusque-là, c'est le train-train habituel.
Par contre, la décision devient intéressante quand on examine la composition des blocs des pays votants. Les votes favorables incluaient l'ensemble des États européens sauf deux, à savoir la Bosnie-Herzégovine (dont la moitié de la population est musulmane) et Saint-Marin (dont la population est de 33.000 habitants), deux États qui, pour des raisons qui m'échappent, n'ont pas participé au vote.
En d'autres termes, à l'exception de ces deux pays, tous les États européens ont approuvé une évaluation de terrain tendancieuse assortie de son inévitable condamnation d'Israël. Ces États sont les suivants : Albanie, Andorre, Autriche, Belgique, Biélorussie, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Moldavie, Monaco, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.
Cette quasi-unanimité européenne est d'autant plus remarquable que de nombreux pays comptant une large voire écrasante majorité de population musulmane, étaient absents lors du vote, à savoir : le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, l'Érythrée, l'Éthiopie, le Gabon, la Gambie, le Kirghizstan, la Libye, le Mozambique, la Sierra Leone, le Soudan, le Tadjikistan, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Turkménistan.
Ainsi, l'Islande (qui ne compte aucun musulman) a voté pour l'amendement contre Israël alors que le Turkménistan (qui compte plus de 90 % de musulmans) ne l'a pas fait. Chypre et la Grèce, dont les nouvelles relations avec Israël sont cruciales, ont voté contre Israël alors que les Libyens historiquement hostiles n'ont pas participé au vote. L'Allemagne, dont on connaît le passé très sombre, a voté contre Israël alors que le Tadjikistan, un partenaire du régime iranien, était absent. Le Danemark, un pays dont l'histoire est grande et belle, a voté contre Israël alors que le Soudan, dirigé par un islamiste, ne l'a pas fait.
Cette configuration improbable laisse penser que l'hostilité monolithique musulmane est en train de se lézarder alors que les pays européens, majoritairement à gauche au point que même les partis de droite mènent des politiques gauchisantes, ont pour Israël un mépris de plus en plus grand. Pire, même ceux qui ne partagent pas cette prise de position la suivent jusque dans l'adoption d'un projet quelconque de l'OMS.
La chancelière allemande ouvertement de droite, Angela Merkel, laisse à Berlin un réfugié se prendre en photo avec elle. |
Ce sont des musulmans, et non des gauchistes, qui commettent pratiquement tous les attentats violents contre Israël. C'est l'islamisme, et non le socialisme, qui demeure l'idéologie antisioniste dominante. Toutefois, les changements évoqués plus haut indiquent qu'Israël voit ses relations avec l'Occident se refroidir et celles avec ses voisins se réchauffer.