Dans l'un des reportages les plus complets et les mieux informés sur les hommes d'Al-Qaida, le frère aîné de Zacarias Moussaoui, le «vingtième pirate du 11 septembre», raconte l'histoire de son frère dans un petit livret (NdT: Daniel Pipes parle ici de la traduction anglaise de l'ouvrage) publié par l'éditeur favori de Noam Chomsky et Howard Zinn. Le conte est composé d'une longue entrée en matière – grands-parents, parents, enfance, adolescence – et d'un bref dénouement, car les deux frères ne vécurent proches l'un de l'autre que jusqu'à que Zacarias adopte le wahhabisme. Né en 1968, Zacarias vécut une enfance marquée par le divorce de ses parents (émigrants marocains); il déménagea de ville en ville, n'apprit ni l'arabe ni les règles de l'Islam et se débrouilla d'abord très bien tant à l'école qu'au plan social. Néanmoins, il se sentait de plus en plus seul et rejeté par la société française («tous des racistes et des fascistes») à tel point que le racisme devint pour lui une véritable obsession.
En partie pour fuir ce sentiment et en partie pour apprendre l'anglais et faire carrière dans les affaires, Zacarias se rendit à Londres en 1991. Au cours des quatre années qui suivirent, il s'y rapprocha des milieux islamistes. En 1995, il déclara à sa belle-sur qu'elle ne devrait pas travailler hors de chez elle et approuva un personnage de série télévisée qui battait son épouse («bien fait pour elle, c'est ce qu'il leur faut aux femmes»). D'une manière générale, il était devenu un étranger pour sa propre famille. Pendant une visite au Maroc, il interpella violemment un imam dont il désapprouvait la vision de l'Islam. Après une absence de plusieurs années, la prochaine nouvelle que Abd Samad obtint de son jeune frère fut celle de sa complicité présumée dans les atrocités du 11 septembre.
Abd Samad tire quelques conclusions intéressantes de son expérience. L'une d'entre elles est que les enfants musulmans devraient apprendre à connaître leur religion dans le cercle familial, car ils courent le risque sinon de se laisser séduire par le type de mouvements extrémistes qui ont suborné son frère. Une autre est que les musulmans bénéficiant d'une audience publique devraient s'attaquer aux racines du problème: «Ils condamnent les attaques et les assassinats, mais ils ne dénoncent pas les idéologues du wahhabisme (...) et de la Fraternité musulmane.»