Le texte qui suit est un extrait du livre de l'auteur, Israel Victory: How Zionists Win Acceptance and Palestinians Get Liberated (Wicked Son, 2024).
Israéliens et Palestiniens ont les uns à l'égard des autres des mentalités qui sont à la fois étranges et uniques, totalement déconnectées de la réalité et à égale distance de la norme pour les parties à un conflit. Compte tenu de leurs forces relatives, les positions israélienne et palestinienne sont à l'opposé de ce à quoi on peut s'attendre. Israël devrait être exigeant et les Palestiniens suppliants. On pourrait débattre des heures durant sur la question de savoir laquelle de ces positions est la plus ridicule et inadéquate, des positions dont les origines remontent à près d'un siècle et demi.
Au tout début de l'entreprise sioniste dans les années 1880, les deux parties à ce que l'on appelle aujourd'hui « le conflit israélo-palestinien » ont développé l'une envers l'autre des attitudes distinctes, diamétralement opposées et tenaces.
Partant d'une position de faiblesse étant donné leur part infime dans la population palestinienne, les sionistes, ont adopté la voie de la conciliation consistant à tenter prudemment de trouver des intérêts communs avec les Palestiniens et d'établir de bonnes relations avec ces derniers en insistant sur les avantages économiques que cela pourrait leur procurer. Symbole de cette mentalité, Israël est le seul pays au monde créé non pas par la conquête mais par l'achat de terres. David Ben Gourion a finalement transformé la pratique de la conciliation en politique communautaire que de grandes personnalités israéliennes telles que Moshe Dayan et Shimon Peres ont poursuivie dans différentes variantes.
Shimon Peres (à gauche), David Ben Gourion et Moshe Dayan. |
Forts de leur position démographique dominante et du patronage généralement accordé par une grande puissance, les Palestiniens ont adopté l'idéologie du rejet qui consiste à résister à tout ce qui est juif et sioniste. Marquée par l'esprit de suprématie musulmane insufflé sous la direction d'Amin al-Husseini, elle est devenue au fil du temps plus extrême et pour tout dire, génocidaire voire, suicidaire. Tout comme le sionisme a célébré la terre où résidaient les Palestiniens comme étant unique et sacrée, l'idéologie du rejet a pris le même pli, en insistant sur le caractère unique et sacré que cette terre avait pour eux par le biais du sionisme islamique. Des personnalités palestiniennes majeures, telles que Yasser Arafat et les dirigeants du Hamas, n'ont cessé de proposer des variantes de cette idéologie.
Au cours des 150 années successives, les détails du conflit ont varié en raison de la diversité des idéologies, des objectifs, des tactiques, des stratégies et des acteurs. En revanche, les fondamentaux se sont remarquablement maintenus, les deux parties poursuivant des objectifs immuables et opposés. Au fil du temps, beaucoup de choses ont changé – les guerres et les traités se succèdent, l'équilibre des pouvoirs change, les États arabes reculent, Israël gagne beaucoup plus en puissance, son opinion publique se déplace vers la droite – mais l'idéologie du rejet et la conciliation restent fondamentalement inchangés. Les sionistes achètent des terres, les Palestiniens font de ces ventes un délit capital. Les sionistes construisent, les Palestiniens détruisent. Les sionistes aspirent à l'acceptation, les Palestiniens poussent à la délégitimation.
Au fil du temps, les positions se sont encore durcies et ont alimenté un peu plus encore la frustration dans les deux camps. Conscients du caractère unique de leur perversion, les Palestiniens en tirent de la fierté et vont même jusqu'à la sexualiser. La télévision de l'Autorité palestinienne a répondu aux violences venant de Djénine en ces termes : « Djénine est notre belle épouse qui se parfume chaque jour du parfum du martyre. » Utilisant la même métaphore, un journal du Hamas a publié un article qui proclame : « La joie palestinienne possède un parfum bien à elle. Elle est complètement différente de toute autre forme de bonheur. » À quoi l'auteur peut-il faire allusion ? Au meurtre d'Israéliens, bien sûr. Non seulement le temps qui passe n'atténue pas l'idéologie du rejet mais celle-ci devient plus épanouie et extravagante que jamais, célébrant la mort des Israéliens dans une spirale perverse.
La conciliation d'Israël devient également plus extrême. Lors de la conquête de la Cisjordanie et de Gaza en 1967, les instances de sécurité ont cherché à gagner les faveurs des Palestiniens grâce à la bonne volonté et à la prospérité économique, un processus qui s'est intensifié avec le temps pour aboutir aux accords d'Oslo. Israël a alors demandé un financement pour l'Autorité palestinienne et (jusqu'au 7 octobre) pour le Hamas.
Ainsi, le conflit israélo-palestinien consiste en des cycles interminables et épuisants de violence et de contre-violence, dont aucun n'atteint jamais son objectif. Les Palestiniens commencent invariablement les hostilités par une attaque contre des Israéliens ou des Juifs, généralement non armés. Israël répond par des représailles. Les deux parties réitèrent une spirale d'agression palestinienne et de punition israélienne, qui tourne en rond sans jamais progresser. Les Palestiniens souffrent de pauvreté et des pathologies d'une société radicalisée, notamment de l'oppression de la part de leurs propres dirigeants. Israël est le seul pays moderne, démocratique et riche qui ne peut pas se protéger des agressions régulières de ses voisins.
Le Dôme de Fer, le système antimissile israélien, a intercepté des roquettes lancées depuis Gaza le 9 octobre 2023. Scène observée depuis Ashkelon. |
Les Palestiniens peuvent nuire à Israël par des actes de violence et la diffusion d'un message antisioniste, mais ils ne peuvent pas empêcher l'État juif d'aller de succès en succès. Israël peut punir les Palestiniens pour leur agression mais il ne peut pas étouffer l'esprit de rejet et ses expressions toujours plus perverses.
Le fait que l'idéologie du rejet n'est pas temporaire, qu'elle ne cède pas à la pression de la carotte et du bâton et qu'elle ne s'atténue pas avec le temps explique l'incapacité générale à la comprendre ou à y répondre. Cette mentalité déconcerte les contemporains car il s'agit d'une chose inconnue jusqu'à présent, d'un phénomène nouveau que l'expérience antérieure ne peut expliquer comme la Révolution française ou la Russie soviétique.
Le caractère unique des deux héritages plonge les observateurs dans la confusion à plus d'un titre. Premièrement, ils tentent en vain de ranger les deux peuples dans des catégories connues. Les Palestiniens sont vus comme un peuple colonisé même s'ils n'ont pas plus été conquis par les sionistes que ne le sont actuellement les Européens par les musulmans qui arrivent par millions comme migrants illégaux et espèrent devenir la population majoritaire. Les deux représentent des formes non belligérantes d'immigration à grande échelle. Les Israéliens quant à eux sont régulièrement comparés à des impérialistes même s'ils se sont installés en tant que civils et ont créé – cas unique dans l'histoire – un pays par l'achat de terres et ce, dans leur patrie ancestrale. Des termes comme impérialisme et apartheid trahissent une incompréhension de deux héritages uniques.
Deuxièmement, c'est un comportement inhabituel qui induit les observateurs en erreur. La persistance de l'idéologie du rejet convainc en effet certains de sa véracité : la fureur incandescente et la volonté de souffrir impliquent une cause moralement justifiée. Aucune population ne peut assurément être aussi cohérente, révoltée et fanatique depuis aussi longtemps sans raison valable. Les tentatives israéliennes de documenter les atrocités ont un impact limité. À l'inverse, l'attitude israélienne de conciliation implique un sentiment de culpabilité. Sinon, pourquoi un acteur plus puissant se comporterait-il si timidement ?
George Mitchell (ici pris en photo à Tel Aviv, le 26 juillet 2009) a dompté le Sénat américain et a réussi en Irlande mais il a échoué à deux reprises dans le conflit israélo-palestinien. |
La résolution du conflit qui nous occupe nécessite soit l'acceptation palestinienne d'Israël, soit la destruction d'Israël. Il n'y a pas de place pour un compromis. Martin Sherman note à juste titre que « nous parlons d'un affrontement entre deux collectivités dont les récits concurrents et mutuellement exclusifs sont inconciliables – de sorte qu'un seul camp peut gagner. » On ne pourra donc pas résoudre ce conflit anormal par un compromis. Il faudra la victoire de l'un des deux camps et la défaite de l'autre.
Daniel Pipes (DanielPipes.org, @DanielPipes) est le président du Middle East Forum © 2024 par Daniel Pipes. Tous droits réservés.