Les hostilités actuelles entre Israël et ses ennemis diffèrent des affrontements précédents par le fait qu'il ne s'agit pas d'une guerre israélo-arabe, mais d'un conflit opposant l'Iran et ses mandataires islamistes, le Hamas et le Hezbollah, à Israël.
Cela démontre d'abord la puissance croissante de l'Islam radical. La dernière fois que les forces israéliennes furent confrontées à un groupe terroriste de cette ampleur, en 1982 au Liban, elles affrontaient l'Organisation de libération de la Palestine, une organisation nationaliste de gauche soutenue par l'Union soviétique et les États arabes. À présent, le Hezbollah s'efforce d'appliquer la loi islamique et d'éliminer Israël par le djihad, avec derrière lui la République islamique d'Iran, qui travaille fébrilement à la production d'armes nucléaires.
Les Arabes et les Musulmans non islamistes se retrouvent sur la touche. La crainte devant la progression des islamistes – par la subversion dans leur propre pays ou par l'agression de Téhéran – les met aux prises avec les mêmes démons, à peu de choses près, que combat Israël. Ainsi, leur réflexe antisioniste est resté largement absent. Toute passagère soit-elle, une «coalition anti-Hezbollah», comme l'appelle Khaled Abu Toameh dans le Jerusalem Post, s'est bel et bien formée et elle est implicitement favorable à Israël.
Le mouvement démarra le 12 juillet par une déclaration saoudienne surprenante condamnant «les aventures irréfléchies» qui donnèrent naissance à «une situation grave et dangereuse». Fait révélateur, Riyad se plaignait de ce que les pays arabes étaient exposés à subir des dégâts «de même que des pays qui n'ont pas leur mot à dire». Le royaume concluait que «ces éléments portent seuls l'entière responsabilité de ces actes irresponsables et devraient assumer seuls la charge de mettre un terme à la crise qu'ils ont créée». Le porte-parole de George W. Bush, Tony Snow, déclara le lendemain que le président avait été «réjoui» par cette déclaration.
Le 15 juillet, les Saoudiens et plusieurs autres États arabes formèrent une réunion urgente de la Ligne arabe pour condamner – nommément – les «actes inattendus, inappropriés et irresponsables» du Hezbollah. Le 17 juillet, le roi Abdullah de Jordanie mit en garde contre «les aventures qui ne servent pas les intérêts arabes».
Un certain nombre de commentateurs commencèrent à adopter ce même argument, notamment Ahmed Al-Jarallah, le rédacteur en chef du titre koweitien Arab Times, qui se fit l'auteur de la phrase la plus remarquable jamais publiée par un quotidien arabe: «Les opérations menées par Israël à Gaza et au Liban vont dans le sens des intérêts des pays arabes et de la communauté internationale.» Interviewé par la chaîne de télévision Dream2, Khaled Salah, un journaliste égyptien, condamna Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, en ces termes: «Le sang arabe et le sang des enfants libanais est beaucoup plus précieux que l'acte de hisser les bannières jaunes [du Hezbollah] et les portraits [du guide suprême d'Iran] Khamenei.»
En Arabie Saoudite, un personnage wahhabite de premier plan déclara qu'il était illicite pour les Musulmans sunnites de soutenir, de rejoindre ou de prier pour le Hezbollah. Aucun des principaux États exportateurs de pétrole ne semble avoir la moindre intention de restreindre ses exportations de pétrole ou de gaz par solidarité avec le Hezbollah.
De nombreux Libanais exprimèrent leur satisfaction devant l'assaut subi par un Hezbollah arrogant et téméraire. Un politicien libanais confia en privé à Michael Young, du Daily Star de Beyrouth, qu'«Israël ne doit pas stopper son effort; (…) pour améliorer la situation au Liban, il faut affaiblir davantage Nasrallah». Le premier ministre Fuad Saniora aurait déclaré que le Hezbollah est devenu «un État dans l'État». Un article de la BBC cite un résident de la localité chrétienne libanaise de Bikfaya estimant que 95% de la population y est furieuse contre le Hezbollah.
Le Conseil législatif palestinien fit part de son désarroi devant ces réactions arabes et des femmes se réunirent pour brûler des drapeaux de pays arabes dans les rues de Gaza. Nasrallah se plaignit de ce que «certains Arabes encouragent Israël à continuer le combat» et leur reprocha de prolonger la durée de la guerre.
Enquêtant sur cette vague d'opinion, Youssef Ibrahim mentionne dans sa colonne du New York Sun une «intifada» contre les «petits barbus enturbannés» et un «non» retentissant à l'effort du Hezbollah visant à entamer une nouvelle guerre totale contre Israël. Il conclut qu'«Israël a la surprise de découvrir que les Arabes s'accordent, en une majorité vaste et pas vraiment silencieuse, à dire que trop, c'est trop».
Il faut espérer qu'Ibrahim a raison, mais je reste prudent. D'abord, le Hezbollah continue de jouir d'un large soutien. Ensuite, ces critiques pourraient bien être abandonnées dès la prochaine flambée de colère populaire contre Israël ou la fin de la crise actuelle. Enfin, comme le relève Michael Rubin dans le Wall Street Journal, la tiédeur envers le Hezbollah n'équivaut pas à l'acceptation d'Israël: «Il n'y a pas eu de revirement d'opinion à Riyad, au Caire ou au Koweït.» En clair, les princes saoudiens continuent de financer le terrorisme islamiste.
Le désaveu arabe du Hezbollah n'est pas un socle sur lequel on peut bâtir, juste un agréable instant de réalité dans une ère d'irrationalité.