Batatu, professeur émérite à l'Université de Georgetown, a publié deux grands volumes traitant de façon similaire d'un Etat du Moyen-Orient victime d' un régime radical. Les deux ont des titres longs, obscurs, et pédants, un point de vue vaguement marxiste, et un contenu qui parvient à être à la fois fascinant et rageant. C'est fascinant parce Batatu a passé des décennies à déterrer, à compiler et à comparer des données. C'est le lieu approprié pour trouver une discussion sur l'électrification de la campagne syrienne, sur la personnalité d'Asad, sur l'évolution du parti Baath, ou sur les représentations diverses des paysans par des auteurs musulmans et occidentaux.
C'est rageant parce que, comme Batutu le reconnaît, son étude «ne cherche pas à prouver ou à réfuter une quelconque thèse particulière ou tirer des preuves accumulées une quelconque théorie générale." Au lieu de cela, l'auteur est tout à fait content de débusquer l'information et de la laisser à la porte du lecteur, pour qu'il en fasse ce qu'il veut.Trop rageant, parce que le livre fait des méandres sans discipline de sujet à sujet, sans logique ni structure. Il le fait au niveau macro, avec deux sections consacrées à la paysannerie syrienne et deux, au régime de Hafez al-Assad – et il n'explicite pas le lien entre elles autre que le fait qu' Asad est le . « Premier souverain de la Syrie d'origine paysanne» . Il le fait aussi au niveau micro, avec un sujet qui n'arrête pas de débouler (le soufisme comme une source de quiétisme politique parmi les paysans ; pourquoi les montagnards recourent à la force plus que les habitants des plaines; l'attrait du communisme pour les paysans).
Malgré le fait que Batatu nie «toute théorie générale » le choix de son sujet montre que son argumentation est orientée dans le grand débat de l'histoire syrienne moderne: Est-ce que le caractère du régime d'Assad dérive de son arrière-plan rural ou de son arrière-plan religieux alaouite? L'opus de Batatu représente un grand, même s'il est diffus, effort pour soutenir la thèse rurale de plus en plus difficilement tolérable.