On a souvent affirmé que, à l'époque médiévale, les Juifs qui vivaient dans les territoires musulmans vivaient mieux que leurs coreligionnaires dans les territoires de la chrétienté. Cette analyse est-elle juste? Cohen, professeur d'études proche-orientales à l'Université de Princeton, tente de répondre dans ce tout premier livre sur l'histoire comparée de la vie juive dans les deux civilisations.
Oui, conclut-il, les Juifs furent mieux dans le monde musulman. En partie, ce fut une question de sécurité physique. "Les Juifs de l'Islam, en particulier au cours des siècles du début et de la période classique (jusqu'à XIIIe siècle), ont connu beaucoup moins la persécution que les Juifs de la chrétienté." Vivre parmi les musulmans sunnites avait aussi d'autres avantages, que Cohen décrit méticuleusement et de façon convaincante: dans le Dar al-Islam* [*territoire de l'islam], les Juifs jouissaient d'un statut juridique plus établi, ils participaient beaucoup plus à la vie culturelle de tous les jours, et ils avaient plus de relations sociales avec la communauté majoritaire. En tout, les Juifs qui vivaient parmi les musulmans étaient moins exclus, ce qui les rendait moins sujets aux agressions. D'un intérêt particulier est le fait que, tandis que les chrétiens avaient en horreur les mariages mixtes, les musulmans les permettaient à la condition que l'homme fût musulman. En effet, la loi islamique exige que le mari musulman permette à son épouse juive d'observer ses rites religieux, de prier à l'intérieur de la maison familiale, de respecter le sabbat, et de continuer à observer les exigences casher. Elle peut également lire sa Bible, à la condition importante qu'elle ne le fasse pas tout haut.
L'étude de Cohen se termine avec le treizième siècle ; nous lui serions encore plus reconnaissants s'il faisait suivre cette étude excellente qui ouvre la voie, par une autre étude sur la détérioration ultérieure de la condition juive dans le monde musulman.