Je voudrais discuter de quatre sujets d'une façon assez brève.
1. Coups d'état ou révolutions ?
Je commencerai, bien sûr, en parlant de la situation des coups d'état au Moyen Orient – accomplis, en Tunisie et en Egypte, et tentés, en Algérie, en Jordanie, et au Yémen.
Remarquez que je dis coups d'état et non révolutions. Dans les deux cas, en Tunisie et en Egypte, ce sont les leaders militaires qui ont dit au président : « Va t'en, tu coûtes trop cher, nous n'avons plus besoin de toi et de ta famille. » Remarquez aussi que, en dehors des présidents et de leurs familles, les establishments tunisien et égyptien sont restés en place.
Le rôle de l'armée est devenu crucial. Est-ce que cette armée qui a si mal conduit les affaires de l'Etat depuis 1952 peut amener le pays vers la démocratie ? Est-ce que l'armée va bâtir sur les fondations séculaires, patriotiques, et ouvertes d'esprit qui ont été établies dans les rues égyptiennes pendant 18 jours ? Ce sont trois hommes en particulier qui sont les auteurs du destin égyptien : le vice-président Omar Suleiman, le ministre de la défense Mohamed Hussein Tantawi, et le chef du cabinet Sami Hafez Enan.
Si l'armée rate cette chance, alors les Islamistes peuvent profiter de l'occasion et trouver une route vers le pouvoir. Si Ennahda, en Tunisie, ou les Frères musulmans en Egypte bouleversent l'ordre actuel, ils auront achevé de vraies révolutions.
2. Les deux blocs au Moyen Orient
Il y a une guerre froide au Moyen Orient depuis quelques années. D'un côté, on a la République Islamique d'Iran et ses alliés, y compris la Syrie, la Turquie, le Qatar, le Hamas, et le Hezbollah. Le Liban est en train de se joindre à ce bloc. De l'autre côté, on a le bloc saoudien qui contient le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, la Jordanie, le Yémen, et les émirats arabes.
Le bloc iranien est celui de la muqawama ou de la "résistance": ce sont des états révolutionnaires et hostiles à l'Occident. Le bloc saoudien est connu par son ambition statique – ces présidents, rois, et émirs veulent simplement conserver leur pouvoir. Ils ne sont pas les amis de l'Occident et ne partagent pas ses valeurs ; mais ils sont prêts à coopérer avec les puissances occidentales.
Le bloc iranien est plus faible mais c'est le plus dynamique. Si le bloc de la résistance arrive à changer plusieurs gouvernements régionaux, il a la capacité de changer l'équilibre de pouvoir au Moyen Orient, avec des conséquences immenses pour l'Islam radical, le terrorisme, le marché mondial d'énergie, et pour Israël.
3. Le conflit israélo-arabe
Il existe un consensus quasi-universel parmi les gens de bonne volonté, à savoir qu'il faut deux états, un palestinien et un juif, pour résoudre le conflit israélo-arabe. Et ce consensus repose sur une hypothèse douteuse : que c'est possible de trouver une solution acceptable pour les deux populations, palestinienne et israélienne. Tout est possible s'il y a suffisamment de concessions ou de pressions extérieures.
J'apprécie cet esprit positif mais je l'estime naïf et antihistorique. Le chercheur spécialiste des guerres (la polémologie) comprend que les conflits ne finissent pas avec les compromis, les concessions difficiles, les discussions informelles, et la bonne volonté – mais, au contraire, avec la défaite et la victoire. C'est le simple bons sens: la lutte est finie quand un des combattants ne veut plus continuer. Par exemple, les Allemands n'ont pas subi la défaite totale en 1918 et ils ont tenté encore une fois de conquérir l'Europe. Mais en 1945, c'était clair qu'ils ont été battus et la guerre s'est définitivement terminée.
C'est la même chose dans le champ israélo-arabe. Le conflit va se terminer quand un côté abandonne ses objectifs, et pas avant cela. Ou ce sont les israéliens qui sont désespérés et qui abandonnent l'idée de l'état juif ou ce sont les palestiniens qui abandonnent l'idée d'éliminer l'état juif. C'est primitif et binaire, mais c'est ainsi.
Les implications sont évidentes: Chacun de nous, chacune de nos institutions, et chacun de nos gouvernements doivent soutenir ou la fin ou l'acceptation d'Israël. Formuler ce choix équivaut à dire ce qu'il faut faire. Toute personne attachée à la justice doit soutenir un état libéral, démocratique, et créatif contres ses ennemis qui veulent le détruire. C'est-à-dire, toute personne attachée à la justice doit souhaiter qu'Israël puisse vaincre ses ennemis.
4. Le destin européen
Je suis peut-être le seul, dans le groupe d'initiés qui centre son attention sur la menace islamiste en Europe, à être heureux ces jours-ci. C'est parce que je vois la réaction anti-islamiste grandir encore plus vite que la menace islamiste elle-même.
Le discours du Premier ministre britannique David Cameron, le 5 février, dans lequel il s'est intelligemment focalisé sur ce qu'il a appelé la «tolérance passive" pour "l'extrémisme islamiste", y compris ses formes non-violentes, correspond exactement à ce modèle.
De la même façon, le chancelier allemand Angela Merkel, en octobre dernier, a jugé que le multiculturalisme avait "complètement échoué." Un référendum en Suisse sur les minarets a exprimé les préoccupations de la population de ce pays. Et, bien sûr, il y a la nouvelle loi française contre la burqa.
La montée de partis politiques respectables principalement centrés sur les questions touchant l'islam –est peut-être le signe le plus encourageant, contraignant les vieux partis à leur accorder de l'attention
Le temps passant, le fait que les individus et les organisations s'expriment et font l'apprentissage de la stratégie et de la tactique pour repousser l'islamisme, cela donne à l'Europe un espoir pour la civilisation.