A Bâle, j'ai fondé l'État juif.
- Theodor Herzl, écrivant dans son journal au sujet de la première Conférence sioniste de 1897A Madrid, nous avons fondé l'Etat palestinien.
- Un Palestinien, parlant de la conférence internationale de 1991
Quel que soit son objectif - que ce soit pour détruire Israël, ou seulement pour réduire sa taille – l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est l'ennemi le plus intime et permanent d'Israël. Il est donc particulièrement paradoxal de constater à quel point l'OLP a été façonnée par le sionisme, le mouvement national juif.
Pour commencer, même la délimitation d'un territoire appelé "Palestine" en 1918 a été une réalisation sioniste ; si les Juifs n'avaient pas pressé le gouvernement britannique de créer une telle unité, les arabophones de la région auraient continué à se voir vivre dans une grande Syrie ou dans un pays arabe ou une nation musulmane ; il n'y aurait tout simplement pas eu de sentiment arabe pour la Palestine (filastin). Autrement dit l'OLP n'existe que parce qu'Israël existe.
Deuxièmement, si l'ennemi de l'OLP n'avait pas été Israël, elle n'aurait pas joui de l'importance internationale exceptionnelle dont elle jouit en fait. Imaginez que Yasser Arafat ait dirigé une organisation luttant pour la libération du Timor oriental de l'Indonésie; auriez-vous jamais entendu parler de lui? La renommée d'Israël a aussi fourni la célébrité, l'argent, et le soutien politique à son ennemi.
Troisièmement – et c'est l'objet de cette étude-ci- les nationalistes palestiniens ont maintes et maintes fois modelé leurs institutions, leurs idées et leurs pratiques sur le mouvement sioniste. Cet hommage ironique signifie que la nature particulière de l'OLP ne peut être comprise que par référence à son inspiration sioniste. Plus: l'imitation offre d'importants aperçus sur l'avenir de l'OLP.
Des copies conformes…...
Comme l'Organisation sioniste mondiale (fondée en 1897), l'Organisation de libération de la Palestine (fondée en 1964) est une organisation qui en chapeaute plusieurs autres sous laquelle les factions en même temps coopèrent et se font concurrence. Comme l'OSM, l'OLP comprend les établissements affiliés, tels que les syndicats, les organisations de santé, et les écoles de formation professionnelle.
Les organismes palestiniens copient leurs précurseurs sionistes de si près, que Sadik J. Al-Azm., un analyste syrien, les appelle les «copies carbone. » Le lobby arabe aux Etats-Unis (The National Association of Arab-Americans [l'Association nationale des Américains d'origine arabe]), par exemple, a tenté de reproduire la forme et la fonction de son précurseur juif (The American Israel Public Affairs Committee [le comité américain des Affaires publiques]). D'autres groupes palestiniens, imitent même les noms des organisations juives: the Arab's Anti-Discrimination Committee [le Comité anti-discrimination des Arabes] (tire son nom de la Anti-Defamation League [ligue anti-diffamation]), Holy Land Fund[Le Fonds de la Terre sainte] (the Jewish National Fund[le Fonds national juif]), et le United palestinian appeal (the United Jewish Appeal). Tout comme les agences sionistes ont collecté des fonds pour la plantation d'arbres, alors maintenant il y a des appels faits aux Palestiniens à planter un arbre pour reboiser la Palestine.
Al-Azm présente des arguments intéressants qui font voir Yasser Arafat comme une version moderne de l'une des grandes figures du début du sionisme. Arafat, écrit-il,
avec son attitude paternaliste envers tout le mouvement de la résistance palestinienne, ses constants déplacements entre les capitales internationales et arabes, ses perpétuelles transactions avec un assortiment curieux de chefs d'Etat, de premiers ministres etc..., ses déclarations en permanence avec ce qui présentait un certain intérêt dans le problème palestinien, ainsi que sa flexibilité politique bien connue, sa compétence diplomatique et sa tactique pragmatique, est une sorte de Chaim Weizmann palestinien
(Weizmann, pendant longtemps le représentant des sionistes à Londres, a été le porte-parole itinérant de son mouvement, son interlocuteur en chef avec le monde extérieur, et l'arbitre principal de ses factions.)
Quand l'OLP a déclaré l'établissement d'un Etat palestinien en novembre 1988, ses mots ont rappelé la proclamation de l'indépendance d'Israël de 1948. Le communiqué de l'OLP a fait écho au prototype israélien dans sa matière, son organisation, et même dans le phrasé spécifique. Par exemple, les deux ont fait appel à leurs frères ethniques et proclamé l'égalité des droits pour tous dans le nouvel Etat. Les mots de la proclamation d'Israël font écho dans le document de l'OLP de quarante ans plus tard. David Ben-Gourion a appelé « le peuple juif partout dans le monde à se rallier à notre côté» et Arafat a appelé les «compatriotes arabes à consolider et à favoriser l'émergence et la réalité de notre Etat. » Tous deux ont préconisé l'immigration, avec Ben Gourion annonçant que «L'Etat d'Israël sera ouvert à l'immigration des Juifs de tous les pays de leur dispersion, et Arafat déclarant la même chose:« L'Etat de Palestine est l'état des Palestiniens, où qu'ils puissent être. »
... et des images renvoyées à l'identique comme avec un miroir
Les Palestiniens ont adopté une vision de leur propre histoire qui à bien des égards reprend l'expérience juive. S'appelant les «Juifs du Moyen-Orient», ils montrent souvent leur diaspora comme un parallèle et un successeur à la diaspora juive. Comme les Juifs, notent-ils, les Palestiniens sont plus instruits et plus mobiles que la majorité des populations parmi lesquelles ils vivent, en plus ils subissent préjudice, dépossession et expulsion. En particulier, tout comme les juifs médiévaux ont été jetés hors de plusieurs pays, un [pays]après l'autre, les Palestiniens ont dû quitter trois pays (Jordanie, Liban, Koweït) en seulement vingt ans.
L'OLP pousse cette analogie plus loin encore: tout comme les Juifs ont souffert un holocauste aux mains des nazis, dit-elle, les Palestiniens ont subi un holocauste aux mains des Israéliens. Quoique scandaleuse, cette analogie a frappé l'imagination de beaucoup d'Arabes, d'un seul coup à la fois cela élève la stature morale des Palestiniens et réduit celle des Israéliens. Kanan Makiya, l'analyste irakien, observe que «le statut sacré de la dépossession des Palestiniens en 1948 ... est devenu pour la politique arabe ce que l'Holocauste est pour la politique israélienne: images d'un autre renvoyées à l'identique comme avec un miroir ».
Les Palestiniens ont imité étroitement d'autres concepts sionistes. La «loi du retour», la notion que chaque Juif a le droit inaliénable de vivre en Israël, sous-tend toute l'entreprise de colonisation de la Palestine et la création d'un foyer national juif là. De même, les nationalistes palestiniens proclament le «droit au retour», qui affirme que tout réfugié palestinien, ou ses descendants, a la prérogative de reprendre possession de terres laissées en 1948-49.
Le modèle de l'imitation s'étend jusque dans les moindres détails: chacun sait que les sionistes ont essayé d'avoir l'exodus, un cargo avec 4.500 personnes déplacées désespérées cherchant refuge venant des camps de concentration nazis, sur les plages de la Palestine en 1947. Lorsque les autorités britanniques ont interdit aux Juifs de débarquer, le navire a reconduit ses passagers malheureux en Allemagne, rendant émouvante la nécessité d'un Etat juif. En 1988, l'OLP a délibérément tenté de mettre en scène une version répétition de cet événement pour faire connaître la situation désespérée des Palestiniens. Elle a acheté un ferry-boat grec, le Sol Phryne, rebaptisé Al-Awda ("Le Retour"), et élaboré des plans pour un débarquement d'exilés Palestiniens, avec de nombreux journalistes présents, sur les plages d'Israël. (Le système aurait pu fonctionner, mais le fait est que quelqu'un, sans doute les Israéliens, a fait exploser le navire avant qu'il ne prenne des passagers.)
Quant à l'avenir, l'OLP présente la création d'un Etat palestinien de la même manière que les sionistes ont vu la création d'Israël- comme un événement quasi-messianique imprégné de l'importance historique mondiale. La souveraineté de la Palestine, soutient-elle, marquera le renouveau de la dignité arabe et la renaissance de la puissance musulmane. Elle montrera également le rétablissement de la puissance du Tiers Monde et la fin de l'impérialisme hégémonique. Ce ne sont pas des mouvements modestes.
Géographie sacrée
Jérusalem est seulement la capitale d'un Etat juif, ainsi qu'une ville unique dans l'histoire, la religion, et les émotions juives. En revanche, la ville est tellement mineure dans l'Islam, elle n'est même pas mentionnée une seule fois dans le Coran. Elle n'a pas non plus constitué une capitale politique ou un centre culturel. Dans ses premiers siècles de domination musulmane, S. D Goitein écrit:
Jérusalem a surtout vécu la vie d'une ville de province isolée, livrée aux exactions des fonctionnaires rapaces et des notables, souvent aussi à des tribulations de la part des séditieux fellahin, fellahs [paysans] ou nomades .... Jérusalem ne pouvait certainement pas se vanter d'être excellente dans les sciences de l'islam ou tout autre domaine.
C'est l'importance de Jérusalem dans le judaïsme qui a poussé les sionistes à revendiquer cette ville, aussi les Palestiniens au XXe siècle ont-ils amélioré de façon rétroactive la stature religieuse et historique de Jérusalem dans l'islam. Ils sont venus avec l'idée maintenant universellement acceptée de Jérusalem étant la troisième ville la plus sainte de l'Islam (après La Mecque et Médine) et ils l'ont jugée « capitale éternelle » des Palestiniens.
La Palestine a subi une transformation encore plus spectaculaire. Alors que les juifs ont le concept d'Eretz Yisrael(«la terre d'Israël») et les chrétiens ont Terra Sancta ("Terre Sainte"), les musulmans n'ont pas de concept parallèle, car la Palestine historiquement n' avait pas de statut particulier dans la tradition islamique. En outre, elle n'existait même pas en tant qu'entité politique ou culturelle au cours des siècles de domination sur la région. Le seul moment où la Palestine exista en tant qu'entité politique était soit sous le gouvernement des chrétiens (les royaumes des Croisés, l'empire britannique) ou des Juifs (Judée, Israël). Comme Bernard Lewis l'a écrit, pour les musulmans le nom Filastin « n'avait jamais signifié plus qu'un sous-district administratif et [après les croisades], il avait été oublié, même dans ce sens restreint. » Pas plus tard qu'au début de 1920, le mot "Palestine" n'avait pas de résonance chez les musulmans.
De ces débuts de mauvaise augure, le roman de la Palestine a grandi pour devenir ce que c' est aujourd'hui, une force nationaliste extrêmement puissante qui rivalise aujourd'hui avec son précurseur juif. Pour construire de tels sentiments, les nationalistes palestiniens ont puisé largement dans l'entrepôt sioniste de la nostalgie pour la terre d'Israël. Par exemple, Arafat a adopté la terminologie sioniste quand il se réfère à la Palestine comme «la terre promise ». Les Palestiniens ont en effet hérité de la nostalgie juive non partagée pour Eretz Yisrael. Au moment même où l'établissement de l'État d'Israël a atteint deux millénaires de vieux rêve des Juifs de retour à la terre du lait et du miel, les Palestiniens ont imité en créant une nostalgie parallèle pour les jardins perdus de Jaffa et de Ramla.
L'entreprise sioniste se voit rétablissant la souveraineté juive après un interrègne de deux mille années. Les Palestiniens ne peuvent guère prétendre à une si longue période, mais ils insistent qu'ils sont eux aussi en train de reconstruire: «après cent années nous sommes à nouveau sur la carte géographique" c'était ainsi que le disait Arafat. (En fait, la seule chose sur la carte à l'époque était une unité administrative, la Mutasarrifiya de Jérusalem, mais peu importe.)
Le processus [d'imitation des] sionistes sur les notions d'espace sacré de l'islam, a tellement progressé, qu'Arafat parfois est allé jusqu'à se référer à la Bible pour confirmer l'authenticité du nationalisme palestinien. Un exemple intéressant date de 1991, quand une journaliste brésilienne affirmée, Jordan José Arbex, lui dit: «Vous luttez pour une entité - l'Etat palestinien - qui, d'un point de vue historique et géographique, n'a jamais existé parce que la Palestine correspond historiquement à une région dans le sud de la Syrie. » A cette déclaration (tout à fait exacte), Arafat a répondu en montrant du doigt une authentification sioniste: « Vous devez lire la Bible, car elle contient beaucoup de références historiques qui démontrent l'existence d'une identité culturelle et géopolitique palestinienne depuis des milliers d'années » Un politicien musulman justifiant son idéologie avec des références aux Écritures juives? Seulement s'il est un sioniste palestinien.
Lorsque les Palestiniens ont atteint le stade où ils justifient leur idéologie anti-israélienne en se référant à la Bible, ils sont véritablement devenus le double des sionistes, ou ce que les Allemands appellent un Doppelgänger - un jumeau et ennemi juré. En effet, les Palestiniens parfois prennent un plaisir bizarre dans la similitude de leur politique avec celle d'Israël. Yasser Arafat se plaît à déclarer: «Nous sommes comme nos cousins, les Juifs. » Bassam Abu Sharif dit que parfois, quand il lit ou écoute des réactions des responsables israéliens, cela le fait rire, « parce qu'ils sont exactement comme nous, la façon dont ils réagissent, la façon dont ils collent aux choses. »
Dépendance à l'égard des grandes puissances
Les deux mouvements nationaux juif et palestinien dans une large mesure tout à fait inhabituelle se sont tournés vers un soutien international en général et vers l'Organisation des Nations Unies en particulier. Israël a vu le jour à la suite d'un vote de l'Assemblée générale des Nations Unies. Comme pour Yasser Arafat, Harris Schoenberg écrit que son «succès à long terme provenait de sa capacité à utiliser l'ONU pour élever l'OLP, et lui-même en tant que président, à un niveau d'importance auquel autrement ils n'auraient pas eu droit." Les gouvernements israéliens se sont liés à un patron de grande puissance, les États-Unis, en servant fidèlement ses intérêts à l'étranger; l'OLP a tenté de faire de même pour l'Union soviétique. Les Arabes non palestiniens ont joué un rôle pour l'OLP semblable à celui des juifs non-israéliens pour Israël.
Les Palestiniens, comme les sionistes, dépendent beaucoup de fonds étrangers. Les Sionistes ont regardé d'abord vers leurs camarades Juifs pour l'aide, puis pour de plus grandes quantités vers les Etats (Allemagne de l'Ouest pour les réparations, les États-Unis pour l'aide). Les Palestiniens aussi ont commencé à dépendre de leurs coreligionnaires (les autorités arabes), puis ont élargi à des gouvernements étrangers (l'Union soviétique, aujourd'hui l'Union européenne et autres). La dépendance palestinienne des sources étrangères est devenue si profonde, qu'Arafat a annoncé récemment que « si personne ne paie pour cette paix [avec Israël] ... elle ne peut pas être réalisée. »
Curieusement aussi, les dirigeants des deux mouvements ouvertement expriment le ressentiment envers leurs donateurs. Un ministre israélien des finances il y a quelques années s'insurgea contre les conseils économiques des États-Unis alors même que son pays avait accepté 3 milliards de dollars d'aide: "Le Haut Commissaire nous a envoyé une note de Washington et nous a donné un rapport négatif " Dans le même esprit, Yasser Arafat a récemment s'est adressé à une réunion d'entrepreneurs palestiniens et (selon un compte rendu des nouvelles égyptiennes) « a critiqué les pays donateurs, car ils ont alloué seulement 2,2. milliards de dollars pour la Cisjordanie et la bande de Gaza sur cinq ans au taux de 440 $ millions de dollars par année. » Plus tard, il est devenu encore plus irrité, dénonçant les conditions de la banque mondiale et des gouvernements occidentaux pour l'aide: «Nous ne sommes pas sortis de l'occupation militaire pour avoir l'occupation économique! »
Origines de l'imitation
Bien que certains aspects du sionisme palestinien (comme la notion de Jérusalem comme troisième site le plus saint de l'Islam) remontent au début du XXe siècle, la plupart d'entre eux datent d'après 1967. Avant cette année, non seulement les Palestiniens ne savaient presque rien sur Israël, mais montrer trop d'intérêt pour l'Etat juif rendait suspect, et même vulnérable à des accusations de trahison. Seulement après la victoire étonnante d'Israël en juin 1967 deux processus ont commencé.
Premièrement, les habitants de Jérusalem, de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont passés sous contrôle direct d'Israël. Malgré l'insistance rhétorique sur la laideur de l'occupation militaire, les Palestiniens dans ces régions ont beaucoup appris des Israéliens sur la politique, et en particulier les droits de l'homme et la démocratie. D'une certaine façon, les Palestiniens sont venus à ressembler plus aux Israéliens qu'à leurs compatriotes arabes. Par exemple, Hanan Ashrawi ce printemps a refusé un poste dans l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat au bénéfice de la mise en place de la Commission palestinienne indépendante pour les droits des citoyens, une organisation qu'elle espère voir acquérir des pouvoirs de médiateur et de contrôleur de l'Etat. Ashrawi elle-même a qualifié la création d'une telle institution « un précédent inhabituel dans le monde arabe » ; ce qu'elle ne souligna pas, toutefois, c'est que cela résulte directement de la culture politique israélienne, pas de la culture politique arabe.
Deuxièmement, la guerre de 1967 poussa les Palestiniens à renoncer aux Etats arabes comme à leurs sauveurs. La destruction des trois armées conventionnelles en six jours a fait prendre conscience que seule l'autonomie palestinienne pourrait détruire Israël et conduire à la création d'un Etat indépendant. Cela a conduit à davantage reconnaître qu'ils auraient à mettre ensemble les détails pratiques de l'administration bien avant d'atteindre le pouvoir souverain. L'OLP a fait une première tentative vers cela en Jordanie (1968-70) et une seconde au Liban (1970-1982) avant de finalement l'essayer en Cisjordanie et à Gaza en 1988. Au cours du troisième de ces efforts, elle a reconnu qu'elle était en train de reprendre l'entreprise sioniste au cours de la période du Mandat, 1918-48. En conséquence, les Palestiniens ont pris tardivement "Etat en devenir» sioniste comme leur modèle.
La réussite juive pendant la période du Mandat fut en effet impressionnante: par le développement de l'Agence Juive dans l'institution du proto-état, les sionistes ont créé les bases pour un gouvernement à part entière qui a émergé en 1948. Ils avaient déjà une autorité politique, une aile militaire, un système d'éducation, un mécanisme pour distribuer l'aide sociale, et ainsi de suite. En revanche, les Palestiniens n'avaient rien égalant ces institutions, et ainsi ils se sont trouvés désorganisés lorsque les Britanniques se sont retirés de la Palestine en 1948. Un historien, Benny Morris, décrit les Arabes palestiniens de la fin des années 1940 comme «arriérés, désunis, et souvent apathiques, une communauté juste entrant dans l'âge moderne, politiquement et administrativement." Un autre, Ilan Pappé, rejette les dirigeants palestiniens comme «une élite dans la confusion" et fait valoir qu'elle n'a pas utilisé la période du mandat pour se préparer à la guerre qui est venue en 1948. En effet, les Palestiniens tentent un demi-siècle plus tard de rattraper leurs erreurs de la période du Mandat.
Imiter les sionistes signifie apprendre d'eux, et une soif d'information a donné naissance à de nombreuses études sur l'ennemi. Les Palestiniens sont maintenant à la recherche de l'expérience sioniste dans ses moindres détails, dans l'espoir de glaner des idées sur les moyens de répéter l'accomplissement israélien. Les livres paraissent en arabe portant des titres comme Israël de l'intérieur et le système politique en Israël. Même les radicaux reprennent cette étude. Luyis 'Abduh, un terroriste dans la vingtaine, a appris l'hébreu dans une prison israélienne et a continué à traduire des livres sur l'histoire sioniste et la politique de cette langue en arabe. Il est devenu un ardent défenseur de la construction d'institutions du même genre que l'Agence Juive.
La notion d'un État en devenir distingue ces deux mouvements à partir de pratiquement tous les autres efforts anti-coloniaux. A de très rares exceptions (les Américains qui ont fondé les États-Unis, les musulmans d'Inde qui a fondé le Pakistan), les mouvements de libération héritent de l'État colonial. Des Canadiens en 1867 à Nelson Mandela en 1994, ils attendent que les institutions existantes tombent entre leurs mains. Les sionistes et les Palestiniens sont mis à part en ayant eu à construire leurs institutions à partir de zéro.
Sentant cette similitude, même certains Israéliens sont venus expressément à voir l'avenir palestinien en termes du passé sioniste. Discutant de la perspective de l'autonomie palestinienne, le Premier ministre Yitzhak Rabin en avril 1993 prévoyait que «une entité palestinienne, qui n'est pas un état, verra le jour. Ce sera une entité similaire à la communauté juive à l'époque du mandat britannique , qui s'occupait de ses propres affaires. " Un Yishouv palestinien?
L'effet d'être dans le sillage d'un puissant
Bien sûr, pas tout dans l'OLP est similaire à son précurseur sioniste. Le nationalisme juif dérive de l'amour, vieux d'un millénaire, de Sion, tandis que son homologue palestinien ne remonte pas plus loin que la deuxième moitié de 1920. Les Sionistes avaient seulement l'aide intermittente des Etats étrangers et ont essentiellement créé Israël seuls; l'OLP a bénéficié d'aides d'État plus que tout autre groupe irrédentiste dans l'histoire. Les Sionistes ont cherché à créer une île de la civilisation occidentale, l'OLP a tout à fait des perspectives du Moyen-Orient. Et tandis que la majorité des groupes sionistes a rejeté l'instrument terroriste, l'OLP de tout coeur l'a adopté sur une période de plusieurs décennies.Certes, on s'attend à des différences ; ce sont les similitudes qui surprennent.
Ces similitudes ont-elles une signification? Pour certains sionistes, le modèle bizarrement imitatif de l'OLP rend suspecte la demande même d'une nation palestinienne. Ruth Wisse résume cette vision:
Depuis quelque temps maintenant, et avec une force toujours plus grande, les Arabes palestiniens sont en train de se présenter eux-mêmes comme les véritable «Juifs», usurpant systématiquement tous les symboles et les termes de l'histoire et de la conscience nationale juives.... Ce n'est peut-être pas à nous de discuter l'affirmation des Arabes palestiniens qu'ils sont un peuple arabe distinct, mais s'ils sont un peuple, pourquoi se présentent-ils comme des Juifs?
Pour répondre à la question de Wisse: comme un enfant imite ses parents, les Palestiniens imitent les Israéliens – pour apprendre le plus de leur modèle . Du point de vue palestinien, c'est une façon purement pratique pour trouver des méthodes et des idées qui fonctionnent. Copier n'est pas en soi rendre inutile la validité de la nation palestinienne. La chose remarquable n'est pas la copie des Palestiniens, mais qu'ils le fassent tellement à fond.
La vraie question est plutôt de savoir comment le fait de copier affecte l'entreprise palestinienne. À court terme, le modèle sioniste a clairement propulsé les Palestiniens en avant en fournissant des institutions, des idées et des pratiques. Ces derniers avaient de la peine à inventer, car la copie s'est avérée plus utile et plus facile. «Dans le sillage des vainqueurs les Palestiniens ont fait une expérience grisante de remorquage," comme Fouad Ajami le dit.
Ceux qui sont remorqués sont à l'arrière ; et l'imitation est de nature à continuer à faire que les Palestiniens soient toujours en retard sur Israël. Tout comme la dépendance soviétique de la technologie volée à l'Ouest a condamné l'URSS à être perpétuellement à la traîne de l'Occident, de la même manière l'exemple sioniste handicape l'OLP. Comment peut-elle vaincre les Juifs à leur propre jeu? Les sionistes ont maîtrisé les pratiques qu'ils sont les premiers à avoir inventé et mis en œuvre, aussi les nationalistes palestiniens font-ils face à un mauvais ennemi. À court terme, les emprunts à Sion renforcent le mouvement palestinien, mais finalement, ils limitent leurs capacités.
Cette limitation est devenue particulièrement évidente l'année où Israël et l'OLP ont signé une Déclaration de principes sur la pelouse de la Maison Blanche, au cours de laquelle l'OLP a essayé de rassembler les éléments essentiels d'un gouvernement. Comme l'Autorité palestinienne révèle un faible développement institutionnel, des finances ruineuses, et une forte propension à l'autoritarisme, son imitation de l'expérience sioniste commence à sembler de plus en plus superficielle.