Les noms Ramzi Yousef et Oussama ben Laden, deux hommes qui se sont consacrés à tuer des Américains pris au hasard, évoquent des images de haine et de destruction, mais en tant qu'individus, ils sont obscurs, même mystérieux. Simon Reeve, un ancien journaliste d'investigation au London Sunday Times et maintenant un auteur indépendant, fait que ces archi-terroristes prennent vie dans une inhabituelle et double biographie.
Dans une reconstitution convaincante, Mr. Reeve prend les nombreuses anecdotes disparates que nous connaissons déjà (que le bombardier du World Trade Center est retourné à la société de location réclamer le dépôt de 400 $ pour le camion qu'il avait fait sauter ; que l'usine pharmaceutique au Soudan bombardée par missiles américains s'est avérée légitime) et les transforme en un récit cohérent et un peu terrifiant.
Ses deux personnages centraux n'y peuvent rien mais ils fascinent. Yousef (né en 1968) a grandi comme un citoyen de deuxième ordre au Koweït, alors que Ben Laden (né en 1957) est le 17 ème fils de l'un des hommes les plus riches de l'Arabie saoudite. Les deux ont fait des études d'ingénieur et ont eu une jeunesse rebelle.
Les deux ensuite ont trouvé leur cause politique (anti-américaine) et ont rapidement gravi les échelons pour devenir des leaders. Youssef est décrit comme un « mauvais génie» qui a inventé de nouveaux types indétectables de bombes ; Ben Laden, inspiré par une vision extrémiste de l'islam, a utilisé son immense fortune pour créer une armée personnelle.
Yousef, maintenant un client à vie de l'Institut correctionnel de Florence dans le Colorado, est considéré comme le prisonnier le plus dangereux dans tout le système pénal américain; ben Laden, qui passe son temps dans les cavernes infestées d'animaux en Afghanistan, se classe comme le plus dangereux criminel d'Amérique toujours en cavale .
M. Reeve déterre un matériau fascinant à propos de ces deux personnages. La bombe utilisée dans l'explosion du World Trade Center a été «la plus importante, par le poids et dommages causés, de tous les engins improvisés » que le FBI avait été amené à voir.
L'ordinateur portable de Ramzi Yousef contenait une carte de cyber-entreprise qui l'identifiait comme «terroriste international». De cette masse d'informations on peut tirer des idées qui sont importantes pour comprendre la nature de la vague actuelle de terrorisme.
Par exemple, Mr. Reeve montre que, bien que Yousef ait la réputation d'être un militant islamiste, il avait une petite amie alors qu'il vivait aux Philippines et il allait « se balader dans les bars de Manille, dans les boîtes de strip-tease et les clubs de karaoké, flirter avec les femmes. » A partir de cela et d'autres allusions à une vie dissolue, l'auteur trouve «peu de preuves pour soutenir toutes les descriptions de Youssef comme un guerrier religieux. » L'agent du FBI chargé d'enquêter sur Youssef constate qu' "il s'est caché derrière le masque de l'Islam." Mr. Reeve conclut qu'identifier Youssef simplement comme un terroriste islamique n'est pas seulement inexact, c'est aussi faire une injustice à l'une des grandes religions du monde. "
Ainsi donc, qu'est-ce qui le motivait? Ici, Mr Reeve fait valoir à tort que Youssef n'avait pas d'idéologie réelle – « pas d'objectifs politiques clairs ou définissables» et une haine généralisée des États-Unis. Cette analyse, cependant, oublie ses propres preuves qui abondent dans « Les Nouveaux chacals » que Youssef, qui se faisait passer pour «Pakistanais de naissance, palestinien par choix», avait fait de l'antisionisme la croyance fondamentale de sa misérable existence.
Par exemple, dans une autre note trouvée dans son ordinateur, il a menacé de nouvelles attaques contre des cibles américaines « en réponse à l'... aide accordée à l'Etat juif... par le gouvernement américain. »
Youssef avait un objectif clair et précis: la destruction d'Israël. Trouvant les installations israéliennes trop bien défendues, il attaquait les Américains à la place. En bref, c'est un terroriste palestinien.
Ce qui rend étrange le cas de Youssef, comme le note à nouveau Mr. Reeve, c'est son manque de contact avec Israël, n'étant jamais allé dans ce pays. « En dépit d'un père pakistanais et d'un passeport du Pakistan, en dépit d'une solide éducation [au Koweït], et de plusieurs années d'enseignement en Occident, Youssef a choisi de s'affilier aux Palestiniens et de lancer une guerre terroriste dévastatrice contre l'Amérique en leur nom. »
Autrement dit, cherchant une cause, il a volontairement pris une identité palestinienne. En cela, il est loin d'être le seul: Comme le magazine Commentary a récemment révélé, Edward Said a fait ce même passage idéologique[d'adoption de l'identité palestinienne]dans les années 1970, au moment où il s'est engagé dans la vie politique. Avant lui, Yasser Arafat a fait de même dans les années 1950 ; et même plus tôt, le premier intellectuel arabe George Antonius fit quelque chose de semblable dans les années 1930.
Si le compte-rendu de Mr. Reeve offre de nombreuses idées, il est aussi vrai qu'il fait trop d'erreurs ; elles sont mineures, mais pour un livre dans lequel la plupart des informations sont invérifiables, elles constituent un danger qu'il faut signaler. James Woolsey, ancien directeur de la Central Intelligence Agency, n'était pas amiral. Le quatrième calife de l'islam «bien guidé» n'a pas été nommé "Ali radiallahu" (radi Allah 'anhu est une formule honorifique « Puisse Dieu être satisfait de lui »). Rif 'at al-Mahjoub, Président du Parlement égyptien, a été tué non pas en 1993 mais en 1990. Jonathan Pollard n'a jamais été emprisonné à la "Supermax" prison de Florence, dans le Colorado
Il n'est pas rassurant non plus de trouver des notions contestées , de conspiration même, rapportées comme des faits: Mr. Reeve allègrement stipule que la CIA s'était arrangée pour que le cheikh Omar Abdel Rahman entre aux États-Unis (par opposition à la version admise qu'il est entré en raison d'une erreur consulaire de bas niveau).
Mr. Reeve termine par un vibrant appel aux armes contre la nouvelle vague de terrorisme représentée par Yousef et Ben Laden ; soulignant que « Ben Laden commande une armée de quelque 5.000 terroristes » (un chiffre qui inclut également les individus liés à des groupes sous son organisation faîtière [qui les regroupe] ), l'auteur souligne les dangers extraordinaires à venir. A la question, pourquoi relativement si peu d'incidents réels ont eu lieu, il indique qu'ils prennent leur temps. Certains sont de classiques «dormants» en attente d'être activés, alors que d'autres se préparent pour le bon moment pour lancer un règne de terreur sans précédent.
En d'autres termes, l'important travail de M. Reeve, bien que légèrement entaché d'imprécision, est un compte-rendu remarquable décrivant un péril terrible et grandissant.