Pour un stratège, une des règles les plus importantes est de ne pas se retrouver sur la défensive. David Ben Gourion, premier Premier Ministre israélien, a développé cette conception jusqu'à en faire une doctrine de défense active qui a brillamment profité à son état au cours de ses premières années.
Toutefois, les ennemis d'Israël ont fini par réaliser qu'ils n'étaient pas capables de gagner une guerre conventionnelle. Plutôt que d'envoyer des avions, chars et navire contre l'état hébreu, ils se sont tournés vers d'autres moyens : armes de destruction massive, terrorisme, et (plus récemment), entreprise de dé-légitimisation. Cette dernière notion inverse les lois de la guerre ; plus précisément, la force devient faiblesse, et l'opinion publique revêt une importance suprême.
La structure de commandement israélienne, ayant maîtrisé les anciennes techniques de guerre (celle qui ont eu cours jusqu'en 1973), a démontré une totale incompétence stratégique en ce qui concerne les méthodes modernes (mises en place depuis 1982). Ces nouvelles règles exigent un sens aigu des relations publiques, ce qui signifie qu'un état puissant ne doit jamais blesser physiquement, même par inadvertance, des adversaires politiques en apparence misérables et désorganisés.
L'affaire Rachel Corrie a été comme un albatros noué autour du cou israélien depuis 2003 ; les morts d'aujourd'hui, tués au large de Gaza, vont s'avérer être une source d'anti-sionisme encore bien pire. En ce sens, « l'armada de la haine et de la violence » a atteint son but. En ce sens également, les Israéliens sont tombés dans un piège.
Mise à jour du 1er juin 2010 : Comme il arrive parfois, beaucoup de lecteurs ont exprimé leurs réserves sur mon analyse, cette fois-ci concernant l'épisode de la « flottille de la paix pour Gaza ». Certains l'ont exprimé avec sympathie :
- « En quatre courts paragraphes, vous avez dit l'entière vérité sur ce qui s'est passé. Je souhaite que la solution puisse être écrite de manière aussi concise. »
- « Si un état puissant ne peut jamais blesser physiquement, même par inadvertance, ses adversaires politiques apparemment misérables et désorganisés, comment empêcher des cargaisons dangereuses d'atteindre Gaza ? Comment organiser un blocus effectif pour protéger ses citoyens ? »
- « Les Israéliens n'étaient-ils pas condamnés quoi qu'ils fassent ? »
- « Votre article identifie les difficultés d'Israël, mais on les connait déjà trop bien. J'aimerais lire un éditorial ou un article détaillant ce qu'Israël aurait pu faire, de façon réaliste. »
D'autres montrent plus de courroux :
- « Je suis absolument abasourdi par ce que vous dites. Qu'auriez-vous voulu que le gouvernement israélien fasse avec ces navires ? »
- « Comment pouvez-vous critiquer les Israéliens sans dire ce qu'ils auraient dû faire à la place ? »
- « Bien vu. Mais VOUS, qu'auriez-vous fait à leur place ? »
- « Alors, quelle devrait être la réponse d'Israël ? »
Voici ma réponse :
(1) Je ne puis offrir d'alternative détaillée, dans la mesure où je ne suis pas sur place, que je manque de la connaissance et de l'expérience nécessaires. De plus, je suis un spécialiste de stratégie, traçant les grandes lignes permettant d'arriver à la victoire, et non un tacticien occupé à détailler leur mise en oeuvre. Ce que je sais, c'est que les soldats israéliens n'auraient jamais dû être hélitroyés dans le piège du Mavi Marmara. Ils auraient dû avoir des renseignements quant l'inclination des passagers du bateau à rechercher la confrontation, et auraient dû trouver un moyen d'éviter un choc sanglant. Cela aurait pu prendre la forme d'un abordage du navire avec des équipements de protection, d'une immobilisation à l'ancre en haute mer, ou bien d'un remorquage vers un port israélien.
(2) Cet incident s'inscrit dans un schéma plus vaste, car les Palestiniens et leurs soutiens s'ingénient à trouver des moyens créatifs de rendre Israël coupable aux yeux du monde. Des supermarchés norvégiens refusent les produits israéliens, des universités britanniques ont rompu leurs relations avec leurs homologues hébreux, etc. Les Palestiniens, il y a quelques temps, ont organisé une marche, de la Jordanie jusqu'à la frontière israélienne. Actuellement, ils boycottent les produits cisjordaniens fabriqués par les Israéliens. Est-ce que Jérusalem va finir par prendre ce défi au sérieux ? Pour connaître les pensées de quelques spécialistes en la matière, voir les extraits que j'en présente dans un article pénétrant de Leslie Susser.
(3) Cela n'est pas un dilemme proprement israélien ; il concerne tout le monde occidental. Il se trouve qu'Israël l'expérimente en premier, et de la manière la plus rude, comme souvent.