Le problème a commencé en janvier 1989. Ce fut lorsque des musulmans vivant à Bradford, en Angleterre, décidèrent de faire quelque chose pour manifester leur colère à propos des Versets sataniques, un nouveau roman du célèbre écrivain Salman Rushdie qui comprenait des passages se moquant du prophète Mahomet. Les musulmans, principalement des immigrés pakistanais, avaient acheté un exemplaire du roman, l'avaient emporté à une place publique, l'avaient attaché à un poteau, et y avaient mis le feu. Les nouvelles télévisées ont montré cet autodafé de scandale en détail, et des images de la scène ont fait la une dans les médias britanniques pendant des jours, ce qui en fit un sujet majeur de discussion dans tout le pays.
Au Pakistan même, après un mois d'excitation qui montait, une foule déchaînée de quelques 10.000 manifestants anti-Rushdie est descendue dans les rues de la capitale Islamabad. En marche vers le Centre Culturel Américain (un fait important en soi), ils ont essayé avec beaucoup d'énergie, mais sans succès, de mettre le feu au bâtiment fortifié. Six personnes sont mortes dues aux violences, et beaucoup d'autres ont été blessées. Ces événements, à leur tour, ont attiré l'attention de l'ayatollah Khomeini, le dirigeant révolutionnaire de l'Iran, qui a pris des mesures rapides et radicales: le 14 février 1989, il a appelé "tous les musulmans zélés à exécuter rapidement" pas seulement Salman Rushdie comme auteur des Versets sataniques, mais "tous ceux impliqués dans sa publication qui étaient au courant de son contenu." Cet édit a conduit à des mesures d'urgence en Angleterre pour protéger la personne de Rushdie, et à des semaines et des mois d'un intense débat parmi les politiciens et les intellectuels du monde sur les questions de liberté d'expression et de blasphème.
Quand les choses se sont tassées, Khomeiny avait échoué dans son but précis d'éliminer physiquement Rushdie: aujourd'hui, plus d'une décennie plus tard, l'auteur écrit de nouveau des livres bien reçus et reçoit des prix littéraires. Mais si Khomeiny n'a pas réussi à nuire à Rushdie, il a fait quelque chose de bien plus profond: il a bouleversé l'âme de beaucoup de musulmans, ravivant un sentiment de confiance dans leur foi et une forte intolérance pour tout dénigrement de celle-ci, ainsi que la volonté de prendre l'offensive contre toute personne perçue comme un blasphémateur ou même un critique. Bien que Khomeiny lui-même ait disparu de la scène quelques semaines à peine après la publication de son décret, l'esprit qu'il a engendré est bien vivant.
Au cours de la décennie qui suit 1989, de nombreux efforts ont été entrepris par les forces de l'islamisme - que l'on connaît [sous l'autre nom] comme l'intégrisme musulman – pour faire taire les critiques. Allant de la violence pure et simple aux techniques plus sophistiquées mais pas moins efficaces, ils ont produit des résultats impressionnants.
Certains des premiers actes d'intimidation physique ont concerné le cas Rushdie lui-même. Les traducteurs des Versets sataniques ont été poignardés et blessés gravement en Norvège et en Italie et, au Japon, ils ont été assassinés. En Turquie, un autre traducteur a échappé à un incendie allumé dans son hôtel et qui a failli le tuer, mais 37 autres sont morts dans l'explosion. D'autres actes de violence ont été conçus pour punir à la fois les musulmans et les non musulmans pour diverses infractions présumées.
L'Egypte offre à elle seule un certain nombre d'exemples. Nasr Hamid Abu Zayd, professeur de littérature qui a écrit que certaines références dans le Coran à des phénomènes surnaturels doivent être lues comme des métaphores, a vu son mariage dissous par un tribunal égyptien au motif que ses écrits prouvaient qu'il était apostat. (Or selon la loi islamique, une femme musulmane ne peut être mariée à un non-musulman.) Un autre cas a impliqué l'auteur d'un essai non-conformiste sur l'islam: lui, son éditeur et l'imprimeur du livre ont été condamnés chacun à huit ans de prison pour accusation de blasphème. Farag Foda, un intellectuel égyptien qui avait exprimé du mépris pour le programme islamiste, a été assassiné. Et Naguib Mahfouz, l'auteur âgé et très célèbre lauréat du Prix Nobel de littérature, a été grièvement blessé au Caire quand un agresseur lui a donné un coup de couteau dans le cou, vraisemblablement pour se venger d'un roman allégorique écrit des décennies plus tôt.
La campagne n'a pas été limitée aux pays à majorité musulmane. Makin Morcos, un Egyptien lui aussi, a été tué en Australie pour avoir critiqué la campagne anti-chrétienne des islamistes dans son pays natal; Rashad Khalifa, un biochimiste d'Egypte vivant à Tucson, en Arizona, a été poignardé à mort en janvier 1990 pour imposer silence à ses idées hérétiques . (Un membre du gang d'Oussama ben Laden a été impliqué dans l'assassinat de ce dernier.) Ces deux incidents ont envoyé un message inquiétant: vous pouvez toujours courir mais vous ne pouvez pas vous cacher.
Enfin, la campagne dans les pays occidentaux n'est pas limitée à la violence ou aux menaces de violence contre les musulmans, elle s'étend également aux non musulmans. Dans certains cas, des questions purement privées peuvent être en cause: Jack Briggs, un Anglais, a été en cavale pendant des années, se cachant avec sa femme de sa famille pakistanaise qui avait juré de les tuer tous les deux (même s'ils étaient régulièrement mariés et bien qu'il se soit converti à l'islam pour gagner leur approbation). D'autres affaires concernent des opinions exprimées publiquement: Steven Emerson, un ancien collaborateur du Sénat et journaliste d'investigation américain pour U.S.News & World Report, CNN et d'autres médias, a reçu des menaces de mort pour Jihad in America, son documentaire télévisé primé qui a pris les propres vidéos commerciales des islamistes pour démontrer leur point de vue et leurs activités violemment antisémites et anti-américaines.
Emerson a raconté son histoire à un comité du Congrès en 1998, et elle est rapportée citée in extenso:
Immédiatement après la publication du Jihad en Amérique, je suis devenu la cible des groupes intégristes radicaux à travers les États-Unis (et à l'étranger) qui farouchement ont nié l'existence de «l'extrémisme islamique» et m'ont accusé de me livrer à une «attaque contre l'islam." Pour cette «transgression», ma vie a été modifiée de façon permanente.
Expliquer les détails d'un seul incident –choisi parmi toute une série - vous aidera à comprendre les changements que j'ai dû endurer. Un matin, à la fin de 1995, j'ai été appelé par un fonctionnaire d'application de la loi fédérale. Quand j'ai rappelé, ce fonctionnaire m'a immédiatement demandé de prendre la direction du centre-ville pour aller à son bureau et expressément il m'a ordonné de prendre un taxi plutôt que ma voiture. L'urgence dans la voix de cette personne était palpable. Quand je suis arrivé au bureau, je fus introduit dans une pièce où un groupe d'autres représentants de la loi attendait. En quelques minutes, j'ai compris pourquoi j'avais été convoqué: On m'a dit qu'un groupe de radicaux islamistes avaient été affecté pour mettre à exécution mon assassinat. Un vrai commando avait été expédié d'un autre pays pour les États-Unis. L'équipe, selon les renseignements disponibles, devait rencontrer des collègues basés en Amérique, se trouvant dans plusieurs villes américaines. Pour aggraver le choc de la révélation de cette menace il y avait un élément d'information supplémentaire: l'équipe de l'assassinat avait réussi à échapper à la surveillance de répression.
On m'a dit que j'avais peu de choix: puisque je n'étais pas un employé du gouvernement à temps plein, je n'avais pas droit à une protection policière 24 heures par jour. Toutefois, je pourrais probablement obtenir la permission d'entrer dans le Programme de la sécurité des témoins dans de bonnes conditions. Mais la perspective d'être retiré de la circulation et de recevoir une nouvelle identité n'était pas acceptable pour moi - surtout du fait que cela donnerait aux terroristes une victoire morale de m'avoir coupé de tout. Mais, franchement, la solution de remplacement n'était pas attrayante à savoir- être seul et prendre ma vie en main. Et pourtant, pour moi c'était la seule option efficace.
Tant qu'Emerson restait obstinément sur la piste des islamistes, en particulier ceux d'entre eux qui soutiennent le terrorisme, il a pendant quatre ans été forcé de vivre sous une adresse clandestine, toujours en train de contrôler ses mouvements. Comme dans le cas de Rashad Khalifa, assassiné à Tucson pour ses opinions, le cas de Steven Emerson suggère que, malgré les garanties de la Constitution pour la liberté de religion et de la liberté d'expression, quand il s'agit de l'Islam, la pensée non approuvée peut entraîner des risques personnels ou même la mort.
Pourtant, si la force était la seule arme dans l'arsenal des islamistes, leurs réalisations seraient limitées.En Occident, au moins, la violence et l'intimidation physique peuvent réussir uniquement dans une certaine mesure. Mais, contrairement au stéréotype, les islamistes ne sont guère des hommes aux yeux hagards et des kamikazes; dans les pays occidentaux, beaucoup d'entre eux sont tout bonnement à la maison avec des ordinateurs, bien versés dans les techniques les plus récentes de lobbying, et aptes au jeu de la victimologie. Énergiques, déterminés et spécialisés, ils emploient des outils non pas physiques, mais plutôt d'intimidation intellectuelle. Leur objectif, ce faisant, est de construire un mur inviolable autour de l'islam, en lui conférant quelque chose comme le statut sacro-saint dont il jouit, traditionnellement, dans les pays musulmans.
Les Islamistes de cette dernière catégorie font un plein usage de tous les recours à leur disposition dans les lois et les coutumes des démocraties libérales occidentales elles-mêmes. Quelques exemples illustreront cette situation. En France, Marcel Lefebvre, un évêque dissident catholique, a été condamné à une amende de près de 1000 $ par la loi française pour avoir déclaré que, si la présence musulmane en France devient plus forte, "C' est votre femme, vos filles, vos enfants qui seront enlevés et traînés dans un certain type de lieu tels qu'ils existent au [Maroc]. " Au Canada, une activiste chrétienne distribuant des tracts pour protester contre la persécution musulmane des chrétiens a été accusée par des organisations musulmanes d' "incitation à la haine", reconnue coupable d'avoir enfreint les lois du Canada de discours de haine, et condamnée à 240 heures de service communautaire et six mois de temps de probation en prison. À l'Organisation des Nations Unies, les épithètes décidément non diplomatiques de "blasphème" et "diffamation de l'islam" sont devenus partie intégrante du discours normal, agissant comme des instruments pratiques permettant d'arrêter la discussion de ces questions désagréables comme l'esclavage au Soudan ou l'antisémitisme musulman.
Aux États-Unis, où le concept de liberté d'expression est plus fort qu'ailleurs, le Premier amendement empêche encore le gouvernement lui-même de punir d'amende ou d'emprisonnement quiconque pour des propos offensants. Mais, en s'appuyant sur l'éthique du politiquement correct qui a abouti à ces abrégés des libertés du premier amendement comme les codes des discours universitaires et d'autres pratiques restrictives, les islamistes cherchent à gagner la sanction qu'ils peuvent pour censurer les autres. Ainsi, ils ont récemment parrainé une résolution du Sénat semblant innocente intitulée «Soutenir la tolérance religieuse envers les musulmans." Cette résolution stipule en effet que «les musulmans ont été soumis, simplement à cause de leur foi, à des actes de discrimination et de harcèlement qui ont trop souvent conduit une violence qui incite à la haine», et conclut que la critique de l'islam, bien que légale au sens strict, est moralement répréhensible ("le Sénat reconnaît que les personnes et les organisations qui favorisent une telle intolérance créent une atmosphère de haine et de peur qui divise la nation"). Si cette résolution passe, et il y a tout lieu de s'attendre à ce que cela se fasse, toute personne ayant quelque chose de négatif à dire sur l'islam ou sur l'islamisme peut s'attendre à être accusée de favoriser un crime haineux.
Qui, dans le contexte américain, est derrière cette campagne d'intimidation mentale et de ce qui, dans un contexte journalistique, serait appelé restriction préalable? Parmi les nombreux candidats, le leader est sûrement le Council on American-Islamic Relations (CAIR), une institution basée à Washington, fondée en 1994. Le CAIR se présente au monde comme une organisation de la question standard des droits civiques, dont la mission est de «promouvoir l'intérêt et la compréhension parmi le grand public à l'égard de l'islam et des musulmans en Amérique du Nord et d'effectuer des services éducatifs."
Parfois, en effet, c'est ce que le CAIR fait. En 1997, par exemple, il a protesté quand un fonctionnaire lors d'une réunion d'un conseil d'administration de l'éducation en Caroline du Sud a dit: «Vissez les bouddhistes et tuez les musulmans." À d'autres moments, il a pris la défense des femmes qui ont perdu leur emploi pour avoir persisté dans le port du foulard, ou des hommes pour vouloir porter la barbe. Mais ces actions bénéfiques occasionnelles servent surtout comme couverture pour le véritable objectif du CAIR, qui semble être double: contribuer à l'organisation radicale du Hamas dans sa campagne de terrrorisme contre Israël, et promouvoir le programme islamiste aux États-Unis.
Dans la poursuite du premier objectif, le CAIR envoie régulièrement des «appels à l'action" pour engager des dizaines voire des centaines de manifestations, beaucoup d'entre elles vulgaires et agressives, chaque fois que quelqu'un ose suggérer publiquement que le Hamas ou d'autres réseaux terroristes opèrent aux États-Unis, ou ose en fait soutenir ceux qui disent de telles choses. Lorsque Jeff Jacoby, éditorialiste du Boston Globe, a protesté contre les efforts presque réussis du CAIR pour mettre Steven Emerson sur la liste noire de la National Public Radio, le CAIR a déclenché sa campagne de lettres («Cher JUIF », reprit une missive caractéristique d'un sous-fifre du CAIR, « Comment osez-vous diffamer l'islam.... Il y a assez de musulmans essayant de faire quelque chose, je suis sûr que votre démission ne fera pas une différence pour nos juifs [sic] des médias ») et, dans un peu d'intimidation primaire, a menacé le Globe d'une action en justice.
La défense du CAIR de la violence islamiste prend d'autres formes ainsi: manifestation contre le Dallas Morning News pour avoir révélé l'infrastructure du Hamas dans le Texas, le lancement d'une campagne contre la Tribune de Tampa pour avoir révélé le réseau du Jihad islamique dans cette ville. Le groupe a invectivé le Journal de l'Association médicale américaine pour avoir enquêté sur l'état de santé des victimes du terrorisme, et un magazine pour enfants, The Weekly Reader's Current Events, pour avoir publié des documents sur le terrorisme international. Le CAIR a dénoncé l'Atlantic Monthly pour avoir publié un article sur la violence islamiste au Soudan, et un sous-comité du Sénat pour la tenue d'une audience sur les «terroristes étrangers en Amérique: Cinq ans après l'attentat du World Trade Center"
Quant à son autre objectif - la promotion de l'islamisme aux États-Unis – le CAIR se concentre sur la seule tactique qui est d'essayer de réduire au silence ceux qui ont quelque chose de critique à dire sur l'islam. Il a attaqué le Centre Wiesenthal à Los Angeles pour avoir dépeint l'ayatollah Khomeini comme un ennemi des juifs semblable à Hitler, et il a attaqué le Reader's Digest pour avoir décrit la répression subie par les chrétiens dans plusieurs pays musulmans. Lorsque James Jatras, un assistant du Sénat, a publié à titre privé une critique cinglante de l'Islam («une excroissance qui va de soi non pas de l'Ancien et de la Nouvelle Alliance, mais de l'obscurité de l'Arabie des païens "), le CAIR a sorti une pleine page dans le Washington Times appelant à son licenciement. Et quand le Père Richard John Neuhaus, l'éminent auteur et rédacteur en chef de First Things, a ouvertement condamné les "ressentiments et les soupçons, en alternance avec le djihad de catégorie inférieure dans la forme que prend la persécution des chrétiens, le terrorisme international, et les rêves de jeter Israël dans la mer » de l'islam contemporain, Le CAIR a appelé l'Eglise catholique pour « enquêter » sur Neuhaus, et ses partisans ont envoyé un flot de courrier injurieux l'accusant d'être« manifestement malade mental »et« de faire le travail d'Adolf Hitler. "
Même des provocations moins importantes que celles-ci déclenchent une avalanche de lettres où l'on sent l'influence du CAIR, ce qui peut faire que les écrivains et les éditeurs se sentent isolées et en état de siège. Un cas d'espèce concerne indirectement le processus de paix d'Oslo. Début mai 1995, Yasser Arafat, après avoir entamé des négociations avec Israël, a eu à se défendre devant le public arabe pour avoir fait une allusion de façon un peu énigmatique au traité de Houdaybiyya, signé par le prophète Mahomet en 628 . Dépoussiérant leurs livres d'histoire, la plupart des commentateurs américains ont conclu que , en invoquant un accord signé, mais ensuite rompu par Mahomet lorsque les circonstances ont changé, Arafat faisait indirectement savoir que, lui aussi, n'avait pas vraiment l'intention de respecter sa promesse. Or les intentions d'Arafat mises à part, cela suggérait que le prophète Mahomet était revenu sur sa parole, ce qui a suscité la fureur du CAIR. Si passionnée a été la réaction lorsque Mortimer B. Zuckerman, rédacteur en chef des U.S. News & World Report, s'est référé dans une colonne à «la doctrine du prophète Muhammad concluant des traités avec les ennemis, alors qu'il est faible, les violant, quand il est fort ", que le magazine a fini par imprimer non pas une mais deux excuses.
Une idée de ce que le CAIR et son réseau de rédacteurs de lettres ont été capables de produire à cette occasion peut être tirée des pages de la Nouvelle République, où une déclaration similaire avait été faite par Yehoshua Porath, un éminent professeur d'histoire du Moyen-Orient à l' Université hébraïque de Jérusalem. Cette déclaration ("Muhammad a rompu l'accord [Houdaïbiya] dix-huit mois après sa conclusion") a suscité, selon les rédacteurs de ce magazine, "des centaines d'appels téléphoniques, des lettres et des e-mail injurieux nous accusant de diffamer le Prophète et de pire encore." Parmi les lettres publiées par les éditeurs, avec leur grammaire et orthographe d'origine, on lisait:
Vous les gars, vous feriez mieux de faire attention, ok? Parce que cela ne va pas aller plus loin, plus jamais, ok? Vous feriez mieux de surveiller cet enculé de juif. . . lui rappeler d'où il vient, ok? Parce que vous savez c'est un bastard de salaud de sa mère - sa maman est une salope. ok? Il ne peut pas parler de la merde musulmane et vous vous retrouvez ensemble. . . vous tous. Nous ne voulons pas plus entendre parler de ce problème, ok? Est-ce que vous avez bien compris?
Un autre a été plus menaçant:
« Les juifs, si on retourne en arrière dans l'histoire ont été d'affreux trompeurs et des SUCEURS DE SANG. . . . Il est importatn que des excuses soient présentées pour calmer les MUSULMAN dans le monde entier. NOUS NE VOULONS PAS VOIR 19 AUTRES AMERICAINS ALLER SUR LE TERRE DU PROPHETE …EST-CE CLAIR??????? !!!!!! Je dis cela parce que les musulmans ne toléreront jamais les actions des Juifs contre leur religion. Et des articels de ce type contribuent à la perte future de vie des Anmericains partout dans le monde islamique. . . . Nous en avons marre de ces sales juifs qui volent nos terres, et diffament toutes les notions SAINTES que nous avons. S'il vous plaît, sauver la vie de quelques Américains en présentant vos excuses. »
Ce qui m'amène à mon propre cas. À la mi-1999, j'ai publié des articles dans le Los Angeles Times et le National Post (Toronto) mettant l'accent sur la distinction entre, d'une part, les musulmans traditionnels qui vont tranquillement à leurs affaires et ne demandent qu'à être autorisés à pratiquer leur foi, et , d'autre part, les islamistes radicaux avec leur programme de transformation de la société à l'image de leurs croyances. En réponse, le CAIR a lancé quinze attaques séparées contre moi en l'espace de deux mois. Beaucoup d'entre elles, remontant toutes à 1983, citations prises au hasard d' articles et de livres pour m'accuser en me faisant parler, ou ressuscitant des évaluations peu flatteuses de mon travail par d'autres. Un communiqué a tenté de démolir un article que j'avais écrit au sujet du traité de Houdaïbiya - même si, contrairement à d'autres commentateurs américains, j'avais trouvé que «Muhammad était théoriquement dans son droit d'abroger le traité." Le côté est intitulé «Daniel Pipes diffame le Prophète Muhammad": paroles de défi pour beaucoup de musulmans.
Se répercutant sur Internet, les attaques du CAIR ont aussi été largement reprises dans des publications musulmanes, donnant lieu à des dizaines de lettres, très largement négatives, envoyées aux deux journaux qui avaient parlé de mes articles. Une de ces lettres m'a incité à m'inscrire à une formation de sensibilisation (au CAIR, naturellement), tandis que d'autres me traitaient de doux noms ("sectaire et raciste"), me comparant au Ku Klux Klan et aux néo-nazis, ou caractérisant mes écrits comme une "atrocité" remplie de "pur poison» et de «mensonges». Plus inquiétant encore, les lettres m'ont accusé soit de perpétrer un crime haineux contre les musulmans ou de promouvoir et d'aider à commettre ces crimes. Et ils se sont pas arrêtés à de vagues menaces: «Pipes est-il prêt à répondre devant le Créateur pour sa haine ou est-il une humaniste laïque …. ? Il le découvrira bientôt...?".
Je ne veux pas donner l'impression que le CAIR représente l'unique opinion que l'on trouve dans la communauté musulmane, que ce soit ici ou à l'étranger. Le cheikh Abdad Hadi Palazzi, par exemple, secrétaire général de l'Association des musulmans italiens et directeur de l'Institut culturel de la communauté musulmane italienne, à Rome, a effectivement dénoncé le CAIR pour prétendre faussement représenter toute la communauté musulmane, alors qu'en réalité il est décidé à lancer des " campagnes de haine contre les journalistes, les députés, les sénateurs, et les musulmans qui interfèrent avec [son] véritable programme terroriste. " Qui plus est, le cheikh Palazzi nous a félicités tous les deux, Steven Emerson et moi, pour avoir osé contester les islamistes, bien qu'il ne soit "pas d'accord avec [notre] attitude envers l'islam en particulier et avec [notre] vision du monde laïque en général», néanmoins nous méritons d'être loués pour distinguer "l'islam authentique, de l'image de contrefaçon présentée par les islamistes" - "dont, conclut le cheikh en insistant, les musulmans eux-mêmes « sont les principales victimes ».
Mais le Cheikh Palazzi est l'une des quelques rares voix de la raison et du bon sens. Dans l'univers des musulmans qui parlent et écrivent sur l'islam et sa position dans le monde moderne, les islamistes, de loin, ont le dessus. Ce n'est pas seulement une grande tragédie pour les musulmans, mais un danger pour le reste d'entre nous. Car si cela ne tenait qu'aux islamistes, toute possibilité de dire la vérité non seulement sur eux, mais sur l'islam lui-même serait confisquée. En effet, dans une certaine mesure, comme dans la mise sur la liste noire qui était près de réussir, de Steven Emerson à la National Public Radio, cela s'est déjà produit.
Bernard Lewis, le célèbre savant sur l'islam et le Moyen-Orient, a fait remarquer avec rudesse que, tandis que dans un pays à majorité chrétienne, comme les États-Unis, un biographe de langue anglaise de Jésus a toute latitude pour dire ce qu'il veut et comme il veut , son homologue travaillant sur une biographie de Muhammad doit craintivement jeter un coup d'œil derrière lui et ceci constamment. A propos de mes propres écrits, un correspondant a protesté auprès du National Post: «Il est intéressant pour moi en tant que musulman américain de vous entendre, vous, un non-musulman, parler de l'islam comme un expert sans vous être consulté d'abord avec une organisation musulmane américaine telle que le CAIR par exemple, pour connaître leur opinion sur ce que vous êtes sur le point d'imprimer. " Autrement dit, on est parfaitement libre d'exprimer une opinion sur l'islam, à condition que le contenu soit approuvé à l'avance par les islamistes - c'est en gros la situation actuelle en Iran.
Bref, ce que les islamistes réclament, c'est que les États-Unis fassent un pas de géant vers l'application, à l'intérieur de ses frontières, des restrictions de la loi islamique (la charia) elle-même. Une prémisse fondamentale de ce corpus législatif est que personne, et surtout pas des non-musulmans, ne peut discuter ouvertement de certains sujets – ces mêmes sujets, justement, que le CAIR veut rendre tabou. Aussi absurde que cela puisse paraître à un observateur occasionnel – les musulmans, après tout, constituent, tout au plus, 2 pour cent de la population des États-Unis - il est un fait que, lorsque la majorité démocrate baisse la garde, les minorités déterminées à poursuivre des objectifs anti-démocratiques peuvent parfois arriver à leurs fins.