À la fin mars, environ deux heures après avoir envoyé l'annonce de la conférence à venir (10 avril) de Daniel Pipes, à l'Université de Washington, sur le thème « La guerre contre le terrorisme et l'Islam militant», à ses sponsors universitaires pour la diffusion sur les «listes»des universités, j'ai été assiégé par des e-mails venant de gens s'identifiant eux-mêmes comme musulmans. Ceux-ci m'exhortèrent à annuler la conférence ou - à défaut - à faire pénitence pour l'avoir organisée ou à permettre aux musulmans concernés d'y «répondre». La plus haineuse de ces explosions enflammées d'indignation et d'intimidation est venue d'un certain Jeff Siddiqui, représentant un groupe appelé « les musulmans américains de Puget Sound ». Il demandait si je connaissais le « domaine de spécialité» de Pipes, et - sans attendre une réponse - il entreprenait de le définir : il est ce plus féroce ennemi des Arabes /musulmans qui « a ….suggéré de se débarrasser des musulmans en Amérique »et qui,« s'il pousse un peu, sera à mettre dans le même panier qu'Hitler quand il a dit Mussolini que les les [sic] les juifs étaient comme «baccillii [sic] de la tuberculose» et devaient être éradiqués. »
Bien que M. Siddiqui ait déclaré qu'il n'était «pas du tout en train de faire allusion à la censure, » il me conseillait fortement : «Retirez votre parrainage ou à tout le moins, publiez une lettre exprimant votre regret pour ce parrainage. Vous pouvez aussi inviter un membre de la communauté musulmane pour parler pendant environ dix minutes après que Pipes aura eu sa journée pour cogner sur nous».
D'autres épistoliers ont aussitôt affirmé leur soutien à « Mr. Jeff» ou m'ont dit qu'ils étaient «découragés et honteux [par] le soutien ministériel que cette conférence avait reçu » parce que « Daniel Pipes travaille pour le lobby israélien». Une lettre dénonçant Pipes comme un «colporteur de haine » [affirmait que c'était] de façon scandaleuse que « ce type de lieu de réunion avait été donné par l'université par le biais du directeur adjoint d'une organisation appelée La Campagne pour une zone franche (libre) de haine de Washington, dont les signes ZONE FRANCHE (LIBRE) DE HAINE (HATE FREE ZONE) ornent le campus, apparemment transmettant le message que si seulement les gens qui travaillaient dans le World Trade Center avaient placé ces signes à leurs fenêtres, ils seraient en vie aujourd'hui.
En réponse aux demandes précises de Siddiqui (dont des copies avaient été envoyées à tous les sponsors universitaires de la conférence de Pipes »ainsi qu'au journal étudiant), et après consultation à la fois des conseillers (non étudiants) des Etudiants Associés de l'Université de Washington et de la police du campus, laquelle me chargea de leur transmettre toute instruction écrite que je recevais, j'ai écrit ce qui suit: «J'espère que vous ne serez pas choqués d'apprendre que je ne peux pas satisfaire votre requête qui veut que j'annule la conférence de Mr. Pipes ou que j'exprime une repentance publique pour l'avoir prévu au programme ou que je permette à vous ou à un de vos acolytes de présider comme grand inquisiteur et juge de ses remarques. Apparemment vous n'êtes pas au courant des usages séculaires au sujet des conférences publiques (et la liberté d'expression) dans cette partie du pays. Ce n'est pas une condition requise qu'une conférence touchant à l'Islam radical ait un droit de «réponse» par un islamiste radical, pas plus qu'un conférencier sur le christianisme fondamentaliste ne doit se soumettre à une harangue à la fin de son discours de la part d'un fondamentaliste chrétien .... Après la conférence, Mr. Pipes répondra à des questions concises de membres de l'auditoire, qui ont le droit de poser des questions non pas comme membres d'un groupe mais en tant qu'individus. (Il n'y aura pas de discours venant de l'auditoire, et dans le cas peu probable où des personnes présentes ne pourraient pas réfréner leur éloquence, ils seront éjectés et objet de poursuites.) "
Ma dernière phrase a apporté un nouveau lot de lettres, surtout de ceux qui se croyaient désormais victimes de discrimination ou martyrs potentiels pour leur cause. Un Khadija Anderson, par exemple, écrit :«je suppose qu'au vu de la nature hostile de votre réponse [à Siddiqui] que je vais être la cible d'exclusion (expulsion?) Que même si je semble de toute évidence un Blanc [sic]d'origine , je porte un foulard traditionnel musulman. »
Face à mon intransigeance glaciale, Siddiqui a alors sollicité l'appui des journalistes de la presse et la radio locale, qu'il a pressés de citations tirées de leur contexte de manière malhonnête pour «prouver» que Pipes se réveille chaque matin en pensant à de nouvelles façons de diffamer les musulmans. La publicité, en particulier dans le Seattle Times, a eu l'effet (probablement) involontaire de donner une publicité énorme à l'événement - la salle est prévue pour accueillir 440 personnes , et des centaines ne purent pas y entrer -, mais aussi d'alerter les autorités locales (ainsi que ministère de la Justice, qui a été fréquemment en contact avec moi) sur la possibilité de perturbation et de violence.
Mais bien que la police de l'université ait pris très au sérieux le danger de rupture et de violation des droits du conférencier tirés du Premier Amendement[Interdiction de limiter la liberté d'expression (NDLT)], l'administration de l'université avait des priorités très différentes. Quand j'ai interrogé le vice-président chargé des relations universitaires, Norman Arkans, concernant ses impressions sur la situation le jour de la conférence, et aussi pour savoir s'il représenterait le président de l'université lors de cet événement qui pouvait être houleux, il a répondu comme suit: " J'ai suivi les instructions, et il me semble que les préparatifs sont dans l'ensemble aussi bons qu'ils peuvent l'être. Je m'attends à ce qu'il y ait des manifestations, à la fois à l'intérieur et à extérieur de Kane [Hall], et les gens ont besoin d'être à l'aise avec le bruit et les tentatives de bruyantes perturbations. Si cela reste au niveau du bruit, c'est supportable et on peut le gérer. De toute évidence, nous ne voulons pas avoir à mettre quelqu'un dehors. Cela serait vraiment moche. » On ne sait toujours pas si ce besoin de se «sentir à l'aise" à l'abri de la violence verbale qui empêche un enseignant de parler s'appliquerait également aux perturbateurs des défenseurs des droits à l'avortement ou au mariage homosexuel. Ce qui était certain c'est que l'administration de l'université a été - sciemment ou non - en contradiction avec sa propre force de police, qui m'a chargé d'avertir haut et fort le public qui vient pour la conférence de Pipes que «quiconque perturbe la conférence sera conduit sous escorte [policière] hors de l'amphithéatre. » Et l'avertissement a fonctionné . Pipes a donné sa conférence (salué par d'énormes applaudissements), sans interruption (sauf si on compte la sortie pendant la période des questions d'un ou deux acteurs criant «Arafat est mon héros").
Ayant échoué dans leurs efforts pour arrêter la conférence de Pipes, efforts menés alors même qu'ils répétaient qu'ils étaient adeptes fervents du principe de liberté de parole, les radicaux musulmans ont essayé de se concilier la sympathie du public par d'autres moyens.
Un Ahmed Amr, un rédacteur de Nilemedia.com, a déclaré qu'il avait l'intention de poursuivre en justice le [Henry M.] Jackson de School of International Studies pour avoir fait venir Pipes à l'université. «Ils ne devaient pas le laisser parler. Il est le Farrakhan des talibans juifs. » Le président de l'Association musulmane de l'université de Washington (UW), Humza Chaudhry, a réussi – en déployant des effort considérables – à se faire éjecter du hall de l'immeuble quand lui (et il est le seul) a refusé de suivre les instructions que la police avait publiées pour [canaliser] le débordement de la foule pour quitter le hall. Cela lui a donné l'occasion de prétendre qu'il avait été victime du «profilage racial», disant qu'en effet il avait été [ selon ses propres mots] « harcelé par la police toute ma vie depuis que je suis adulte à cause de mon apparence. » Il a également révélé - comme preuve de l'impact de la brutalité policière qui s'en prenait à sa vie - qu'il venait de laisser tomber son cours de chimie dans le but « d'analyser la politique du département de la police de l'université de Washington (Universy of Washington Police Department) (UWPD »
Au début de sa conférence, Pipes a rendu compte des diverses tentatives faites par les musulmans radicaux dans la région de Seattle pour l'empêcher de parler et il a remercié ses sponsors pour persévérer dans leur parrainage. L'Islam militant, a-t-il observé, «n'est pas seulement mon sujet, mais il est aussi mon contexte. Le débat sur cette conférence est un parfait exemple des méthodes de l'islam militant: une tentative pour fermer toute discussion des questions [qui fâchent], l'intimidation, les attaques calomnieuses, la pure invention.» Ainsi Pipes a été, avec une particulière élégance d'esprit , capable d'utiliser la campagne même menée contre sa conférence comme une parfaite incarnation vécue d'une de ses idées centrales: à savoir que l'islam radical n'est pas simplement un phénomène dangereux, mais qu'il est ici, chez nous
Edward Alexander est professeur d'anglais à l'Université de Washington.