Un quart de siècle après le [livre] très acclamé Pensée arabe à l'ère libérale, d'Albert Hourani [Albert Habib Hourani (1915-1993) historien libanais chrétien né en Angleterre (NDLT)], Paul Salem a publié un volume qui lui succède, à la fois plus triste et plus prudent. Comme son titre l'indique, Salem estime que les Arabes ont gravement souffert de l'impact de l'idéologie (qu'il définit comme «un système d'idées, de principes et d'objectifs hautement intégrés qui sont liés à l'action socio-politique »).
Salem divise son sujet en quatre grandes tendances: le nationalisme arabe, le fondamentalisme islamique, le marxisme et le nationalisme régional (sous cette rubrique il inclut les variantes égyptienne, libanaise et syrienne). Dans tous les cas, il commence par la carrière historique de l'idéologie, puis poursuit en décrivant ses idées, ses dynamiques sociales, l'appel et l'héritage. L'auteur parvient à faire que cette structure marche ; plus, la rigueur de son approche fait qu'il est possible de comparer les mouvements et les idées d'une manière étonnamment directe.
Les connaissances de base de Salem en histoire intellectuelle européenne apportent un bonus supplémentaire, en lui permettant de montrer comment les idées du Moyen-Orient dérivent de leurs sources occidentales. Et c'est là que réside peut-être l'aspect le plus déprimant de l'ouvrage: les Occidentaux doivent reconnaître que la grande majorité des idées épouvantables (comme les diverses tendances du totalitarisme), qui ont tellement nui aux pays de langue arabe ces derniers temps, viennent de leur propre civilisation. Dans le même temps, les Arabes doivent reconnaître que leurs propres penseurs ont eu quelques précieuses pensées originales, mais qui provenaient presque toutes de l'Occident.