La «feuille de route» que vient de présenter le président Bush pourra-t-elle faire mieux que la débâcle des précédents échanges diplomatiques israélo-palestiniens? Oui, si elle évite de commettre les mêmes erreurs.
Le fiasco de la dernière série de négociations était prévisible dès son début, le 13 septembre 1993 – jour de la fameuse poignée de main entre deux ennemis jurés, Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, sur la pelouse de la Maison Blanche et de la signature des accords d'Oslo.
Le glas de l'initiative sonnait en effet au même moment, quoique plus discrètement, sous la forme d'un discours préenregistré de Yasser Arafat aux Palestiniens diffusé à la télévision jordanienne. Dans cette allocution, Arafat évitait soigneusement toute mention de paix avec Israël ou de renoncement au terrorisme, deux éléments pourtant au cur des accords signés ce jour-là. Au lieu de cela, il expliquait que la signature des accords d'Oslo s'inscrivait dans le projet de destruction d'Israël.
Arafat rappelait ainsi aux téléspectateurs la décision prise par l'Organisation de libération de la Palestine d'instaurer «une autorité nationale sur chaque portion de la Palestine qui sera libérée ou d'où Israël se retirera». Il présentait les accords d'Oslo comme une étape vers le démantèlement d'Israël.
Rabin aurait dû alors stopper immédiatement les négociations. Il aurait dû déclarer que les accords étaient nuls à la suite de la violation par Arafat de leur principe essentiel – la reconnaissance de l'État juif par les Palestiniens. Rabin aurait dû suspendre ses propres engagements jusqu'à qu'Arafat ait repris la parole pour déclarer renoncer à la violence et accepter l'existence permanente d'Israël.
Mais Rabin ne fit rien de tout cela, bien sûr, ni à cette occasion ni à un quelconque autre moment de son mandat de premier ministre, malgré d'innombrables cas d'incitation à la violence et d'actes d'agression. Et ses successeurs non plus. Au contraire, les Israéliens se montrèrent à tel point indifférents à la violence dirigée contre eux qu'ils se retirèrent de la majeure partie de la rive Ouest et de la bande de Gaza en dépit de la poursuite des actes de violence.
Plus remarquable encore, leurs concessions les plus importantes aux Palestiniens furent accordées après le début de la vague actuelle de violence, en septembre 2000.
Ce manque apparent de logique était tout de même motivé, comme l'expliquait Douglas Feith (à présent sous-secrétaire à la Défense) en 1996 dans le Middle East Quarterly. Il montra en effet que le pouvoir israélien était alors engagé dans un «processus de repli, et non de paix». La rive Ouest et la bande de Gaza ne constituaient plus alors, selon les termes d'un politicien, qu'«un fardeau et une malédiction». En conséquence, le gouvernement israélien se retirait unilatéralement de ces territoires.
Arafat exploita cette situation en prétendant renoncer à la violence et accepter Israël alors qu'il faisait précisément l'inverse. Le fait qu'Israël permette ainsi aux Palestiniens de violer les accords en toute impunité leur inspira du mépris pour ces accords et les encouragea davantage encore à tuer des Israéliens. Finalement, ils lancèrent l'«Intifada al-Aqsa», provoquant l'effondrement des négociations d'Oslo.
Cette histoire présente des implications directes pour la «feuille de route». L'impulsion diplomatique vient cette fois de Washington et non de Jérusalem. Ainsi, ce seront les officiels américains qui devront décider de l'attitude à adopter face à la nouvelle flambée de violence palestinienne (sept Israéliens ont déjà été tués depuis la présentation de la feuille de route).
Bush a mis l'accent à juste titre sur la nécessité de mettre un «terme complet» à la violence et à l'incitation officielle. Il a également promis d'insister sur «le respect des engagements». La grande question consiste à savoir si ces déclarations ne sont que pure rhétorique, à la manière d'Oslo, ou si elles prendront pied dans la réalité.
Ainsi, que se passera-t-il…
- si la promesse de Mahmoud Abbas (Abu Mazen) d'«agir avec vigueur contre la violence, les incitations et la haine sous toutes leurs formes» se révèle aussi creuse que l'ont été les engagements d'Arafat?
- si le renoncement au «terrorisme contre les Israéliens où qu'ils se trouvent» s'avère vide de sens?
- si le Hamas et le Djihad islamique commettent des actes de violence contre les Israéliens?
La tentation sera grande de fermer les yeux sur les ingérences des Palestiniens, comme l'a fait le gouvernement israélien pendant les négociations d'Oslo, dans l'espoir que des progrès futurs les persuaderont de mettre un terme aux incitations et à la violence. Mais cette tactique échoua à l'époque et il en sera de même cette fois.
L'ironie du sort veut que si Bush entend réellement mener à bien sa tentative de négociations, il devra réagir aux meurtres d'Israéliens de manière plus conséquente que plusieurs premiers ministres israéliens eux-mêmes. Il devra rester prêt à retarder le calendrier prévu jusqu'à que les Palestiniens aient rempli toutes les conditions requises.
L'automne passé, la Maison Blanche instaura une politique de «tolérance nulle» à l'égard des violations des résolutions des Nations Unies commises par l'Irak. Elle doit aujourd'hui faire de même avec les Palestiniens: chaque incitation, chaque approbation de la violence doit entraîner le gel immédiat du processus de négociation.
Cette attitude permettra à l'administration Bush de contribuer à la réconciliation israélo-palestinienne. Mais tolérer la violence ne conduira qu'à une aggravation de la situation.