Amos Elon cherche dans son nouveau livre simple et brillant à montrer que l'importance religieuse de Jérusalem n'empêche pas la ville d'être imprégnée d'une vie politique et sociale unique. C'est ce qui explique "quatre mille ans d'histoire, les guerres innombrables, ... vingt sièges ruineux, deux intervalles de désolation totale, dix-huit reconstructions, et au moins onze transitions d'une religion à une autre." S'il y a un thème unique dans ce compte-rendu sur la «plus grande petite ville du monde», c'est la relation intense et difficile entre le divin et le terre-à-terre, et la joute entre les actions les plus hautes et les actions les plus barbares de l'humanité.
Elon excelle particulièrement à montrer comment, dès le début, les particularités religieuses spéciales de Jérusalem en font une anomalie, une ville située ni sur mer, ni sur rivière, non pas sur une route de commerce, et non pas è l'emplacement d'une forteresse naturelle, et non pas à proximité de bons pâturages ou de ressources minérales . La seule chose qu'elle ait en abondance ce sont ses lieux saints.
Les caractéristiques religieuses définissent les qualités, grandes et insignifiantes, qui rendent la ville unique. Contenant les monuments les plus saints du judaïsme et du christianisme, et non des moindres s'agissant des monuments de l'islam, Jérusalem a peut-être la présence la plus élevée par habitant de fonctionnaires religieux, et de même, avance comme hypothèse Elon, elle a également le plus grand nombre d' «excentriques, de cinglés, et monomaniaques». Histoire et politique sont remplies de bizarreries, pour ne citer qu'une seule, il s'avère que le maître d 'un restaurant géré par l'église catholique est par la loi un monseigneur ayant le droit de voyager avec un passeport diplomatique.
Alors que Jérusalem aux multiples miroirs se lit comme un roman d'amour, surtout quand Elon décrit ses qualités physiques, il dénigre sévèrement l'esprit du lieu, voulant le libérer de l'emprise religieuse. "Jérusalem est une ville trop aimée pourtant jamais tout à fait à bon escient», observe-t-il. "Là où il y a tellement de mémoire destructrice, un oubli peut être s'impose."
En tant que résident de Jérusalem, l'auteur n'est que trop conscient de l'impasse qui domine la vie politique, avec les Juifs et également les Arabes voulant le contrôle de la ville. L'amertume et l'inflexibilité de cette impasse rendent Elon désespéré, il n'a aucun plan à offrir, pas de politique de faucon.
Le livre a deux problèmes principaux. Le moins grave a à voir avec l'ignorance de l'Islam; Elon essaie courageusement de donner à cette religion sa raison d'être dans l'histoire de Jérusalem, mais les lacunes dans ses connaissances sont apparentes. Son affirmation, «Dans l'islam, le prophète est souverain» passe complètement à côté du point de vue de l'islam (le prophète est un homme, les lois de Dieu sont souveraines); sa référence aux soufis, bédouins, et Tsiganes comme «sectes musulmanes», suggère la nécessité d'une initiation élémentaire à l'islam.
Deuxièmement, Elon ne peut résister à des attaques gratuites contre ses compatriotes israéliens, en particulier ceux qui versent dans la piété. Dans des passages qui rappellent l'antisémitisme chrétien, il décrit les Juifs ultra-orthodoxes comme «lisant eux-mêmes en aveugles dans des pièces obscures et humides" et martelant les mots de leurs textes si fort», qu'ils sont depuis longtemps tombés en poussière." Dans une référence particulièrement odieuse, Elon compare le discours prononcé par un membre du parlement israélien à «l'agitateur dans le Dictateur de Chaplin», une manière un peu indirecte de comparer l'homme à Hitler. Pas plus qu'Elon ne peut résister à lancer des choses désagréables sur son gouvernement. Sa déclaration selon laquelle Israël «s'est souvent senti en sécurité au prix d'un sentiment d'insécurité ressenti par ses voisins» est difficile à concilier avec les actions d'un gouvernement menacé en permanence par ses voisins.
Ces lacunes mises de côté, Elon a écrit une biographie instructive qui mérite de figurer dans le rayon à livres de voyages de la bibliothèque. Son audience principale sera les nombreux visiteurs à Jérusalem. En bref, c'est précisément le genre de compte-rendu que l'on espère trouver en librairie après être arrivé à l'hôtel à Jérusalem.