Le 1er mars 1999, un tribunal fédéral de district de Brooklyn a condamné un Ghazi Ibrahim Abu Maizar, venu d'Hébron, à la prison à vie. Son crime: avoir comploté pour utiliser une arme de destruction massive, menaçant de s'en servir, et portant le dispositif lui-même. Bien qu'Abou Maizar n'eût à vrai dire fait de mal à personne, quand la police a perquisitionné son appartement le 31 juillet 1997, ils ont trouvé beaucoup de preuves que cet homme âgé de 23 ans était sur le point de déclencher une bombe artisanale tard le même jour. Curieusement, le verdict n'a presque pas attiré l'attention. Dans le New York Times, il a été signalé à la page 5 de la deuxième section, en bas de page. Aucun éditorial n'a été rédigé, aucun politicien n'a parlé du dossier, aucune annonce n'a semblé exprimer de soulagement que justice ait été rendue. Une tentative avortée d'un meurtre de masse par un Arabe à New York était, paraît-il, trop peu important pour valoir la peine d'être publiée.
C'est très curieux et très inquiétant. Car la tentative de crime d'Abu Maizar n'était, en fait, pas un phénomène isolé; pas plus qu'il n'était le produit d'un dérangement d'esprit purement personnel, l'acte d'un individu solitaire mécontent de son sort et s'en prenant au «monde entier».Voici, à compléter car il y a des erreurs d'orthographe et de grammaire, des extraits de la lettre tapée à la machine que la police a trouvée dans son appartement. Légendé «Au nom du «Gade» [God]Dieu]», et c'était adressé aux «Etats-Unis d'Amérique et aux citoyens américains»:
Personne [No podey à la place de «nobody»] ne peut gagner [wein à la place de «win»] la guerre [ware à la place de «war»] contre l'islam et nous sommes en guerre. . . Nous sommes prêts avec des boombes [bombes] pour celui qui nie [deines à la place de «denies»] nos objectifs [gouls à la place de «goals»]. . . nous allons brûler [buarn à la place de «burn»] le sol qui est sous l'Amérique et l'Etat [stat à la place de «state»] juif. . . Notre demande devrait [shoud à la place de «should»] être faite à nos guerriers [mujjahiddeenis à la place de «warriors»] prêts à frapper partout à l'attentat suicide[suuisid à la place de «suicide» ; boomb à la place de «bombe»].
La lettre était signée «Le jihad [Alljeihd] pour tous, le mouvement al-Aqsa [all agssa]».
Ce n'était pas tout. Après son arrestation, Abu Maizar, selon ce qu'a raconté un agent du FBI, a dit qu'il avait décidé de faire exploser la bombe sur une ligne de métro qui relie la pointe nord de Manhattan à Coney Island, à l'extrême sud de Brooklyn, «parce qu'il y a beaucoup de Juifs qui prennent ce train.» Au cours du procès lui-même, Abu Maizar a informé la cour qu'il voulait nuire à ce pays «parce que je pense que les Etats-Unis soutient l'Etat hébreu et que les Etats-Unis devraient être punis pour leur soutien à Israël.» Il parlait ouvertement de ses espoirs de tuer "autant de [Juifs] qu'il pourrait.attraper.. J'ai toujours rêvé d'être un martyr»; il a reconnu qu'il soutenait le Hamas, le groupe extrémiste palestinien, et dans sa lettre pleine de fautes il a exigé la libération de plusieurs fondamentalistes emprisonnés aux États-Unis. Lorsque le verdict de culpabilité fut lu à l'audience, il sauta sur ses pieds, tenant un exemplaire ouvert du Coran dessus de sa tête, et cria "Allahu Akbar!" - Dieu est grand. En d'autres termes, loin d'être un fou solitaire, Abu Maizar représente un mouvement très important - l'islam fondamentaliste - au nom duquel les musulmans comme lui sont prêts à commettre les actes les plus odieux de violence, et même de renoncer à leur propre vie, dans un effort pour «punir» l'Amérique et, surtout, tuer des Juifs américains.
L'Islam fondamentaliste (ou Islamisme, comme il est de plus en plus en plus et de façon plus adéquate, appelé) transforme la religion traditionnelle de l'islam en une idéologie radicale, style du 20ème siècle. Comme des optiques antérieures du genre fascisme, marxisme-léninisme - il cherche à construire une société juste en forçant la vie humaine à se conformer à un plan totalitaire préconçu. Ce totalitarisme à saveur islamique soutient que si les musulmans ne vivaient que dans le strict respect de la loi sacrée de leur foi, la charia, ils retrouveraient la richesse et la force qui était la leur à la hauteur de la gloire de l'Islam au Moyen Age.
Les Juifs entrent en jeu, ainsi que «les impérialistes» britanniques et américains , comme l'obstacle principal qui est perçu à l'accomplissement de cette vision utopique. Dans la vision fondamentaliste, les Juifs partout dans le monde n'ont ménagé aucun effort dans leur volonté de dominer le monde et en particulier les pays musulmans. Chaque ennemi perçu de l'Islam, d'Atatürk à Madonna, d'Israël à l'US Central Command, est la création de la communauté juive mondiale. Si la menace posée par cette agression supposée contre l'islam doit être éliminée, une guerre pas moins impitoyable contre les Juifs est une nécessité urgente, et c'est le devoir de chaque musulman.
Dans son obsession des Juifs, l'Islam fondamentaliste confirme sa ressemblance structurelle avec les autres grandes idéologies totalitaires de notre siècle (comme Hannah Arendt il y a longtemps l'a souligné, l'antisémitisme était intrinsèque à la fois au nazisme et au communisme soviétique). Cependant, d'une certaine manière, il va au-delà de ses précurseurs. Les Nazis et les communistes n'ont jamais eu l'audace d'émigrer en grand nombre à partir de leur pays d'origine vers les États-Unis, et encore moins ont-ils espéré trouver une base importante de soutien chez les Américains. Pourtant, c'est précisément ce qu'ont fait l'islam fondamentaliste et son étrange compagnon de voyage- la Nation de l'Islam - un amalgame d'éléments islamiques, nationalistes noirs, et autres. Contrairement aux chemises brunes et aux communistes des années 1930, les musulmans qui haïssent les Etats-Unis, et en particulier les Juifs qui y sont croissent de plus en plus à la fois en nombre et en portée d'influence à l'intérieur de nos frontières, en profitant des garanties offertes par la primauté du droit et l'indulgence d'une société bienveillante, pluraliste.
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C'est une chance que de tels musulmans ne représentent pas tous les musulmans aux États-Unis. Certains, en effet, résistent, activement ou passivement, à cette diabolisation des Juifs. Plusieurs des plus grandes organisations musulmanes, quel que soit l'état réel de leurs sentiments, sont prudents en public pour éviter la souillure de l'antisémitisme. Au contraire, leurs porte-parole apparaissent régulièrement dans le «dialogue» avec les dirigeants juifs, ou participent à des initiatives telles que la Table ronde de Detroit, une branche de la Conférence Nationale des Chrétiens et des Juifs consacrée à l'éducation des juifs et des musulmans. Allant plus loin, d'autres ont établi des liens de coopération avec les Juifs américains (et les chrétiens) sur les questions d'intérêt commun. Ainsi, à Washington, DC, l'un des principaux imams s'est réuni avec des leaders chrétiens et juifs en 1980 pour aider à supprimer la législation proposée pour légaliser le jeu, et les musulmans ont eux aussi travaillé avec des juifs sur les questions liées au bien-être et l'éducation des enfants. Quelques âmes courageuses - notamment W. Deen Mohammed, le chef de file parmi les convertis à l'islam traditionnel noir – se sont mis contre les musulmans qui attaquent les Juifs.
A la fois la communauté juive et la communauté musulmane bénéficient de telles relations. Les Juifs gagnent des alliés, les musulmans gagnent une stature. D'ailleurs pour les éléments les plus traditionalistes des deux communautés, il y a l'attrait supplémentaire de la formation d'un plus large front contre ce qui est considéré comme le «chaos et le mal» de la société américaine contemporaine, pour reprendre les termes de Robert Crane, un Américain éminent converti à l' l'Islam qui veut que les musulmans «fonctionnent avec les autres religions d'Amérique ayant la même sensibilité traditionaliste», afin de "compléter la Révolution américaine."
Mais, en vérité, ces attitudes positives sont vraiment l'exception. La règle, dans la mesure où les Juifs sont concernés, est toute autre. Aux énormes conventions fermées à la presse et au public, dans les discours et les publications qui ont tendance à être rédigées dans les langues historiques musulmanes plutôt qu'en anglais, presque toutes les organisations musulmanes aux États-Unis - y compris celles qui avec soin maintiennent catégoriquement une attitude appropriée pour le public qui utilise la langue anglaise - vomit un flagrant et brutal antisémitisme, un flot de partialité, de calomnie, et de théorie de conspiration d'un genre qui a par ailleurs pratiquement disparu du discours américain.
Depuis que des principaux groupes islamiques aux Etats-Unis sont en contact régulier avec les organisations du Moyen-Orient comme le Hamas, le Jihad islamique et le Hezbollah, il n'est pas surprenant que la rhétorique de ces derniers, imprégnée de propos parlant de tuer des Juifs et célébrant les actes de violence, ait trouvé un bon accueil ici. Dans un écho ironique des thèmes les plus éculés de l'antisémitisme chrétien, les contes médiévaux de Juifs utilisant du sang des Gentils dans les rituels de la Pâque juive sont maintenant répandus à travers la communauté musulmane américaine. Ceux-ci prennent leur place aux côtés des mythes du 19e siècle de la domination juive mondiale et des fantasmes de vengeance et d'extermination physique («O Musulman, serviteur de Dieu, il y a un Juif derrière moi, viens le tuer»), souvent formulés en des termes qui rappellent des invectives raciales nazies("fils de singes et de porcs et adorateurs du mal"). Parler d'une bataille sanglante et décisive avec les juifs c'est la routine, à la fois de la part des groupes ouvertement extrémistes comme l'Association islamique pour la Palestine et de ceux en apparence modérés comme le Conseil pour les relations américano-islamiques (CAIR) qui sont scrupuleux dans l'émission de condamnations abstraites, selon les règles, du«terrorisme . Le premier en particulier, a diffusé des communiqués du Hamas appelant à l'assassinat des Juifs, et les groupes musulmans américains ont produit des vidéos de formation pour le Hamas et recruté des membres en son nom.
En plus de la réimpression des articles et des livres et le recyclage de la rhétorique du Moyen-Orient fondamentaliste, des groupes islamistes ici ont fait venir par avion des porte paroles fondamentalistes de l'étranger pour s'adresser à leurs réunions colossales dans les hôtels du centre-ville dans des villes comme Chicago et Oklahoma City. (Le colloque annuel de la Société islamique d'Amérique du Nord, par exemple, attire environ 15.000 participants.) A un rassemblement de ce genre à Kansas City en 1989, Yusuf al-Qardawi, qui est basé au Qatar et est l'un des plus éminents théologiens islamiques encore en vie aujourd'hui, a déclaré à son auditoire (en arabe): ". A l'heure du jugement, les musulmans se battront contre les Juifs et les tueront" En 1991, un dirigeant du Jihad islamique, 'Abd al-' Aziz 'Uda, a assuré à une réunion du Groupe islamique américain (AIG) que les Juifs« ne comprennent qu'un seul langage: le langage du djihad, le langage de la confrontation, et la langue du sacrifice. "
Dans une scène particulièrement terrifiante à faire dresser les cheveux sur la tête, en décembre 1994, Bassam Alamoush, un éminent fondamentaliste jordanien, a commencé sa conférence en langue arabe devant l'Association de la jeunesse musulmane arabe à Chicago avec une anecdote: «Quelqu'un s'est approché de moi à la mosquée [à Amman] et m'a demandé «Si je vois un Juif dans la rue, dois-je le tuer ? » Tiré d'une bande vidéo en sa possession, Steven Emerson, l'autorité bien connue sur le terrorisme international, décrit ce qui s'est passé ensuite:
Après un moment de pause avec un visage stupéfait, Alamoush a répondu à la question devant une foule hilare: "Ne me demandez pas Après l'avoir tué, venez me raconter.Que voulez-vous de moi, une fatwa [décision judiciaire] Vraiment.? Une bonne action ne l'exige pas. " Plus tard, dans le discours, Alamoush a été interrompu par un assistant avec une note écrite «De bonnes nouvelles, il y a eu une opération-suicide à Jérusalem» tuant trois personnes. Un tonnerre d'applaudissements a suivi sa déclaration.
On ne dira jamais assez que les groupes islamiques et les organismes qui parrainent de tels événements et qui diffusent ces documents ne sont pas en marge mais dans le courant dominant, où, en cachant leur véritable identité, ils parviennent à passer pour modérés; le directeur du Conseil pour les relations américano-islamiques (CAIR), par exemple, a assisté à des cérémonies à la Maison Blanche. Même si un large éventail des opinions peut se trouver dans la communauté musulmane au sens large (comme leurs coreligionnaires ailleurs, les musulmans aux Etats-Unis évidemment épousent une variété de points de vue), le fait est que presque toutes les institutions de premier plan, ainsi qu'une grande proportion et peut-être même croissante de mosquées locales, de journaux hebdomadaires, et d'organismes communautaires, est sous le contrôle des fondamentalistes.
L'un des rares leaders non-fondamentalistes dans ce pays, Muhammad Hisham Kabbani, a averti le Département d'Etat au début de 1999 que les extrémistes avaient «pris plus de 80 pour cent des mosquées » aux Etats-Unis. (Comme pour confirmer son point de vue, Kabbani a été vilipendé pour ses remarques en termes frôlant la menace.) Ce que cela signifie est que, dans un contraste saisissant avec des pays comme la Turquie et l'Egypte, où un débat animé est en cours entre les modérés et les fondamentalistes, ici, dans le pays de la liberté, la majorité modérée n'a guère voix au chapitre.
Qu'est-ce qui explique la quasi-hégémonie dont jouit le fondamentalisme? En partie, il s'agit d'une conséquence de l'appui qui lui a été apporté par les gouvernements du Moyen-Orient - l'Iran, l'Arabie saoudite, la Libye; ces régimes, selon l'estimation (peut-être hyperbolique) de Kabbani, ont canalisé «des milliards de dollars» dans l'activisme fondamentaliste . Puis, aussi, les fondamentalistes sont très concentrés et très motivés, alors que les modérés, par définition, ont tendance à l'être moins, et aussi moins impliqués complètement dans des activités islamiques .
Enfin, les États-Unis exercent un attrait magnétique peu logique sur les fondamentalistes. Souvent, chassés de leur propre pays d'origine, ils ont trouvé refuge dans une société qui offre d'excellentes communications et d'excellentes facilités de transport, qui nage dans l'argent, et dont les forces de l'ordre continuent à traiter leurs activités avec négligence. Quel meilleur endroit que Los Angeles pour répandre la foi, que Chicago pour faire fortune pour la cause, ou de Jersey City pour semer le chaos?
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Ce qui nous amène au phénomène distinct mais connexe de la Nation de l'Islam - un complément des organismes sous le contrôle des fondamentalistes d'inspiration Moyen-Orientale.. Ici, une petite démographie. De la population musulmane totale dans ce pays – par l'usage mais non scientifiquement estimée à six millions de personnes- quelque chose comme trois-quarts sont des immigrés, principalement d'Asie du Sud et du Moyen-Orient, et leurs descendants. Cela laisse un autre 25 pour cent qui sont des convertis, dont la plupart sont des Afro-Américains. Parmi ceux-ci, la grande majorité adhère à une forme d'islam traditionnel, tandis qu'un très petit nombre - peut-être 20.000 - sont des membres de la Nation of Islam (NOI).
Malgré sa taille relativement faible, la Nation de l'Islam est d'une importance capitale. Presque tous les noirs américains convertis à l'Islam, quel que soit là où ils finissent par se retrouver sur le spectre religio-national, ont à un moment ou un autre eu un lien avec cette organisation ou avec l'un de ses nombreux mouvements associés. En outre, la NOI a une suite importante chez les Noirs américains attirés par ses enseignements, mais pas encore prêts à passer à l'étape énorme de se convertir en venant du christianisme.
La Nation de l'Islam a commencé son existence loin du Moyen-Orient et de sa marque véhémente de l'antisémitisme. Sous le long règne d'Elijah Muhammad (1934-1975), les relations avec les Juifs étaient mitigées. Bien qu'il haïsse les Blancs, Elijah Muhammad n'avait aucun grief particulier contre les Juifs. «Juifs et musulmans,» écrivit-il une fois, «ont toujours été en mesure de régler leurs différends entre eux beaucoup mieux que les chrétiens et les musulmans .... le Juif américain et l'homme noir américain peuvent encore trouver un moyen d'avoir des relations coupées du reste du monde. " Pourtant, Elijah Muhammad était également capable de transformer les Juifs en un puissant symbole de son ennemi juré; Israël, a t-il affirmé dans son Histoire de la Nation de l'Islam, est «l'ensemble de la race blanche.»
Après une courte pause après la mort d'Elijah Muhammad en 1975, Louis Farrakhan a relancé la Nation de l'Islam sous sa direction; A partir de là, des contacts avaient été développés avec le Moyen-Orient, que ce soit par le voyage de la part des membres de la Noi ou une connaissance de plus en plus grande du Moyen-Orient avec les immigrés aux États-Unis. Depuis lors, l'antisémitisme est devenu un thème central, une obsession même. En 1984, en effet, Farrakhan et son organisation étaient devenus les propagateurs les plus visibles de l'antisémitisme aux Etats-Unis.
La Nation de l'Islam fournit ouvertement les Protocoles des Sages de Sion, le célèbre faux antisémite du 20 ème siècle, et Farrakhan expose régulièrement ses motifs, tenant les Juifs pour responsables à la fois du capitalisme et du communisme, des deux guerres mondiales, d'Hollywood, et de la dette américaine. Il accuse les Juifs de dominer la vie politique américaine ("tous les présidents depuis 1932 sont contrôlés par les Juifs») et les médias («tout journal qui a refusé d'acquiescer aux nouvelles contrôlées par eux a été mis à genoux par le retrait de la publicité. Faute de quoi, les Juifs arrêtent de fournir les nouvelles , l'imprimerie et l'encre.»). Pour Farrakhan, les Juifs sont «les gens les plus organisés, les plus riches et les plus puissants, non seulement en Amérique mais dans le monde.» En fait, il a affirmé que «85 pour cent de la masse des gens de la terre sont victimes» des Juifs.
Si ceux-ci sont des tropes anciens, Farrakhan a également eu l'imagination d'en façonner de nouveaux. Son invention de marque est que les Juifs furent principalement responsables de la traite transatlantique des esclaves - qui, selon lui, a tué 100 millions d'Africains. Le «Département de recherche historique» de son organisation a même fait quelque originale pseudo-érudition, en publiant en 1991 un ouvrage intitulé La relation secrète entre les Noirs et les Juifs qui prétend prouver comment les Juifs ont pris la tête dans la capture des Africains noirs, les transportant vers l'Amérique, et en continuant leur esclavage dans le Sud. Ces idées sont devenues si influentes dans les cercles noirs américains, et dans certaines universités, que les chercheurs sérieux du sujet ont été contraints d'émettre des réfutations au point d'en faire un livre.
En ce qui concerne les temps plus récents, Farrakhan accuse aussi les "sangsues" juives d'agir dans la voie de l'avancement des noirs. La participation active et bien documentée des Juifs dans le mouvement des droits civiques des Noirs, il la rejette comme intéressée: en aidant à intégrer les Noirs dans la société américaine, les Juifs, accuse-t-il, ont réellement cherché à détruire les institutions économiques autonomes noires engendrées par Jim Crow afin qu'ils se prennent en charge eux-mêmes. Pire encore, en encourageant les Noirs çtravailler au sein du système, les Juifs les ont empêchés de sortir des chaînes de la suprématie blanche. Comme si tout cela ne suffisait pas, les Juifs ont également injecté le virus du sida dans les nouveau-nés noirs et "ils complotent contre nous, même comme nous parlons."
Pour contrer ce complot présumé, Farrakhan et ses lieutenants et acolytes, qui répètent et embellissent sans cesse ces thèmes, ont proféré des menaces agressives. Dans un discours très médiatisé, Farrakhan a fait référence à Adolf Hitler comme à un «très grand homme.» Il y a des années, il a mis en garde les juifs américains: «Si vous allez nuire à Jesse Jackson, au nom d'Allah, cela sera le dernier auquel vous ferez du mal." Et il a utilisé presque les mêmes mots à l'égard de lui-même: «. Si tu te lèves pour me tuer .... vous allez tous être tués sur le coup"
Jusqu'à présent, ces menaces sont restées presque entièrement verbales. En effet, on peut dire qu'une division effective du travail existe dans l'islam américain. Alors que la Nation de l'Islam est devenu la rhétorique anti-juive du pays, l'islam traditionnel majoritaire, tout en présentant un visage public beaucoup plus poli a un quasi-monopole sur la violence anti-juive. En combinaison, les deux connaissent un succès qui dépasse de loin celui de tous les rivaux possibles sur la scène américaine.
Contrairement à la Nation de l'Islam, le Liberty Lobby ne peut pas emballer des milliers de personnes dans de grandes arènes pour assister aux harangues de son chef, ou rassembler des centaines de milliers de gens sur le Mall de Washington. Le Ku Klux Klan ne peut pas partager une scène avec le maire (juif) de Philadelphie. Les miliciens de l'Oklahoma ou du Montana ne peuvent pas organiser à temps plein des forces paramilitaires dans des dizaines d'endroits, et encore moins obtenir des subventions du gouvernement fédéral pour subventionner ces forces. (Des ramifications à but lucratif de Fruit de l'Islam, bras armé du NoI, ont obtenu des contrats dans plusieurs Etats pour patrouiller dans les zones à forte criminalité.) Posse Comitatus ne peut pas trouver les ressources nécessaires pour mettre sur pied un «ministère de la recherche historique" qui va produire un compte-rendu de la conspiration, par exemple, le code des impôts américain. L'Aryan Nation ne peut pas trouver un patron étranger comme Mouammar Kadhafi de la Libye, qui a offert 1 milliard de dollars à la Nation de l'Islam.
De même s'agissant de la violence réelle contre les Juifs. Les fanatiques de Homegrown [les gens du terroir] de l'extrême droite peuvent revendiquer le meurtre de juin 1984 d'Alan Berg, un juif accueilli dans une émission débat à Denver. En revanche, les agressions commises par le courant majoritaire des musulmans, pour la plupart liées à la communauté immigrée, ont inclus une longue liste d'incidents majeurs (ainsi que de nombreux incidents moins graves comme une série d'attaques contre des synagogues de la région de Chicago). Voici quelques faits saillants:
- Mars 1977: les musulmans Hanéfites ont saisi trois bâtiments à Washington, y compris le siège du B'nai B'rith, et retenu des otages pendant 39 heures, conduisant à un mort et un blessé grave.
- Novembre 1990: El Sayyid Nosair a assassiné le rabbin Meir Kahane dans un hôtel de New York.
- Février 1993: dans le bombardement du World Trade Center à New York, qui a coûté 7 vies et a blessé plus d'un millier de personnes, Ramzi Youssef, le cerveau de l'opération, a déclaré que les tours n'étaient pas une cible civile, mais une cible militaire, en vertu du fait qu'elles pourraient abriter un «fonctionnaire sioniste».
- Juin 1993: un projet «journée du terrorisme», le complexe des Nations Unies, les tunnels de la Lincoln et Holland, et d'autres points de repère de NewYork devaient être bombardés simultanément. "Boom! les fenêtres brisées. Les Juifs dans la rue», voilà comment l'un des conspirateurs décrit le carnage qui s'ensuivrait.
- Mars 1994: Rashid Baz, un immigré palestinien, a ouvert le feu sur une camionnette transportant des garçons juifs orthodoxes traversant le pont de Brooklyn, tuant Ari Halberstam âgé de 16 ans.
- Juillet 1997: «Ali Hasan Abu Kamal, un Palestinien de 69 ans, a tiré sur sept touristes au sommet de l'Empire State Building, tuant une personne et en blessant un autre grièvement ; dans sa note sur son suicide, il a accusé les Etats-Unis d'utiliser Israël comme« un instrument» contre les Palestiniens.
C'est dans cette liste que prend légitimement place Ghazi Ibrahim Abu Mazar et la quasi explosion de sa bombe artisanale [fabriquée à partir d'un morceau de tuyau (NDLT] dans le métro de New York.
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Les Juifs américains ne sont pas les seuls objets de la violence islamiste en Occident: le même schéma peut être vu en Europe et ailleurs. Ainsi, en 1995-1996, selon l'antisémitisme dans le monde, un sondage annuel publié par l'Anti-Defamation League, tandis que les droitistes en Europe ont continué à harceler les Juifs et à vandaliser les biens juifs, «de violentes attaques avec l'intention de causer des lésions corporelles étaient perpétrées dans la plupart des cas par des extrémistes musulmans.» Le seul acte antisémite terroriste en Europe en 1995 - la tentative d'attentat dans une école juive près de Lyon, en France - a été réalisée non pas par des skinheads, mais par un groupe fondamentaliste algérien. La même chose peut être dite des attentats à la bombe de l'ambassade d'Israël et d'un centre communautaire juif de Buenos Aires, en Argentine, en 1992, dans lequel 29 personnes ont perdu la vie, et de semblables événements dans l'Afrique du Sud.
La situation est celle-ci: dans le monde d'aujourd'hui, à quelques exceptions près (notamment en Russie) dûment constatées, l'antisémitisme qui était dû aux chrétiens est presque partout relégué aux extrêmes et est sur le déclin; il a été chassé de l'enseignement des églises établies et dénoncé par les dirigeants politiques. Mais si les tendances de la société chrétienne vont dans un sens, dans les sociétés musulmanes à travers le monde, elles vont dans la direction opposée. Là-bas, l'antisémitisme idéologique et politique loin d'être un phénomène marginal, est monnaie courante- chez les chefs d'Etat, les partis au pouvoir, les groupes d'opposition puissants, les journaux grand public, et les intellectuels de premier plan aussi bien.
En d'autres termes, ce qui était historiquement un phénomène chrétien est désormais un phénomène essentiellement musulman. Si l'antisémitisme chrétien est de plus en plus le problème d'hier, l'antisémitisme musulman est le problème d'aujourd'hui, et le problème de demain.
Mais cela nous ramène à notre point de départ, car dans les Etats-Unis on ne sait presque rien de tout cela à partir de la réponse à l'antisémitisme musulman par la presse, par la plupart des chercheurs, ou même par la communauté juive organisée. Dans la recherche de Farrakhan (1997), un effort qui prend tout un livre pour comprendre le leader de Nation of Islam, Florence Hamlish Levinsohn explique son antisémitisme exclusivement en fonction de sa formation chrétienne, en ne disant pas un mot sur sa composante islamique. L'Anti-Defamation League, même si elle est vaillamment en tête de la lutte contre le racisme anti-juif de Farrakhan, évite toujours soigneusement de mentionner son contexte religieux. Le pire de tout, de nombreuses organisations juives américaines continuent à consacrer des ressources considérables et de l'énergie pour cibler la "droite chrétienne", en ignorant pratiquement la montée du fascisme islamiste.
Mais, quoi qu'on pense des causes favorisées par la droite chrétienne - chèques-éducation scolaire, la prière à l'école, l'affichage de symboles religieux dans les lieux publics, même le rollback de Roe contre Wade - c'est loin de constituer la menace la plus sérieuse pour la sécurité des Juifs aux Etats-Unis aujourd'hui. Le danger réel et actuel n'est en aucun cas la Coalition chrétienne pro-israélienne, mais l'Association de la jeunesse arabe musulmane farouchement antisémite; pas Jerry Falwell, mais le cheikh Omar Abdel Rahman, et non ceux qui souhaitent, au pire, à convertir les Juifs, mais ceux qui, par tous les moyens à leur disposition, ont l'intention de leur faire du mal, qui ont déjà donné suite à ces intentions violentes, et qui si rien n'est fait sûrement le feront à nouveau.
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Musulmans en Amérique
Lettres à la rédaction
Commentary Magazine
Septembre 1999
À LA RÉDACTION:
Bien qu'il fasse peu de remarques au sujet de l'islam traditionnel majoritaire , Daniel Pipes [«musulmans d'Amérique contre Juifs d'Amérique»,] suggère que les musulmans sont un seul bloc, intrinsèquement antisémite et motivé par la haine. C'est offensant pour la sensibilité musulmane et cela contribue à la diabolisation des musulmans.
Il y a des groupes extrémistes dans toutes les religions, mais il ne faut pas généraliser à partir de ces cas. Après tout, beaucoup de Juifs expulsés d'Espagne ont émigré vers l'empire ottoman, où ils ont été accueillis, protégés, et jamais forcés de se convertir. La République moderne de Turquie a continué cette tradition islamique du pluralisme religieux. Des centaines de Juifs qui ont fui l'oppression nazie ont trouvé une attitude tolérante en Turquie, et aujourd'hui les juifs et les chrétiens sont des citoyens qui sont les égaux des Turcs musulmans et qui réussissent dans le commerce et l'industrie.
Il ne faut pas assimiler le nationalisme arabe fanatique avec l'islam lui-même. L'utilisation du discours religieux et les images sacrées pour soutenir les crimes violents peuvent être trouvés dans toutes les religions, mais cela ne rend pas tous leurs partisans extrémistes.
TALIP KUÇUKCAN
Centre d'études islamiques
Istanbul, Turquie
LETTRE À LA RÉDACTION:
Félicitations à Daniel Pipes pour son étude sur l'influence écrasante des extrémistes dans la communauté musulmane américaine. Je voudrais proposer une correction mineure mais significative. Mr. Pipes a rendu une partie du mot mal orthographié de la lettre trouvée dans l'appartement du terroriste Abou Maizar en 1997 comme suit: «Alljeihd [le djihad] pour tous le mouvement agssa [âges]» Je crois, cependant, que le nom exact de ce mouvement est «jihad pour Al-Aqsa", c'est à dire un mouvement contre les menaces présumées juives à la sécurité de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem.
Sur un point plus général, je dirais que M. Pipes a omis de faire une distinction suffisante entre l'islam arabe aux Etats-Unis, qui est totalement dominé par la mentalité extrémiste, et l'Islam non arabe aux Etats-Unis Cette division a été illustrée de façon spectaculaire par les réponses variées à l'action US-OTAN en Ko SOVO. De nombreux défenseurs arabes ont fait chorus aux attaques sur l'intervention, arguant d'un agenda secret de l'OTAN, identifiant la Serbie avec Israël, essayant de supprimer la conscience musulmane de sensibilisation d'Israël aux réfugiés albanais du Kosovo, et, dans de nombreux cas, se joignant aux manifestations anti-OTAN. En revanche, les musulmans du Pakistan et du Sud-Est asiatique en Amérique ont rejoint leur coreligionnaires des Balkans à l'appui des objectifs de base, et pas des détails de l'intervention, et en se précipitant pour aider les victimes.
STEPHEN SCHWARTZ
San Francisco Chronicle
San Francisco, Californie
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DANIEL PIPES répond:
Talip Kuçukcan m'accuse de penser que «les musulmans sont un seul bloc.» Pas du tout. S'il était amené à regarder mon article encore une fois, il noterait cette phrase: "C'est heureux que les musulmans [radicaux] ne représentent pas tous les musulmans aux États-Unis», suivi par deux alinéas pour discuter des musulmans modérés. Je suis très conscient du fait que les musulmans modérés ont tendance à être négligés, et je fais ce que je peux pour argumenter en leur nom. Quant aux Turcs qui sont différents, je suis d'accord. Encore une fois, Mr. Kuçukcan devraient examiner de près l'article, qui, après avoir décrit un côté, islamiste qui domine le débat aux États-Unis, poursuit: «[E] n contraste saisissant avec des pays comme la Turquie et l'Egypte, où un débat animé se déroule entre les modérés et les intégristes, ici, dans le pays de la liberté, la majorité modérée n'a guère voix au chapitre.»
Je remercie Stephen Schwartz pour ses mots aimables et j'accepte sa suggestion au sujet de "djihad d'Al-Aqsa." Sa distinction entre la politique des arabophones et non arabophones aux Etats-Unis est une question intéressante. Quelques remarques en réponse
- Les Arabes ne sont pas, en fait, «totalement dominés par la mentalité extrémiste». Pour ne citer que quelques exemples frappants, Mu h ammad Hisham Kabbani, la figure l anti-islamiste de premier plan que je cite dans mon article, est d'origine libanaise, comme l'est Riad Nachef de l'Association des projets de bienfaisance islamique, alors que Saif al-Ashmawy de la Voix de la Paix est venu d'Egypte.
- D'un autre côté, les Iraniens et les Pakistanais, pour prendre deux groupes de non Arabes, sont au moins aussi largement avec un esprit de conspiration et antisémites que, disons, les Tunisiens et les Koweïtiens. Le seul groupe ethnique qui se démarque vraiment comme différent, dis-je avec un clin d'œil à M. Kuçukcan, sont les Turcs, qui sont moins méfiants vis-à-vis des États-Unis, plus laïques, et nettement plus politiquement modérés que les autres musulmans.
Cela dit, il y a aussi une certaine vérité dans l'observation de Mr. Schwartz, dans le fait que les Arabes ont tendance à utiliser de manière disproportionnée la violence aux États-Unis. Bien que plusieurs Pakistanais et des noirs américains convertis à l'islam aient été inculpés dans les procès du World Trade Center et les poursuites judiciaires d'Oussama ben Laden, l'écrasante majorité des personnes concernées étaient arabes. En outre, alors que les groupes pakistanais comme Jamaëat-i Islami sont radicaux, ils sont nettement moins violents ici que ne le sont le Hezbollah, le Hamas et la Jamëat al-Islamiya d'Egypte.
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Le timbre Malcolm X, émis en janvier 1999. |
Mise à jour du 22 décembre 2011: la division du renseignement du département de la Police de New York a constaté que, depuis 1992, 8 des 18 complots terroristes contre la ville ont visé des institutions juives ou des personnes juives.