ANDRIA HALL, présentatrice, CNN : Le dernier conflit en date entre Israéliens et Palestiniens aurait-il éloigné un peu plus encore la perspective de la paix ? Pour répondre à cette question, nous accueillons à présent depuis New York Daniel Pipes, directeur et fondateur du Middle East Peace Forum. Nous vous remercions d'être avec nous sur WORLDVIEW.
DANIEL PIPES, DIRECTEUR, MIDDLE EAST PEACE FORUM : Merci, Andria.
HALL : Monsieur Pipes, je souhaiterais vraiment me concentrer sur les sensibilités qui ont conduit à la dernière flambée de violence. Le chef de l'opposition Ariel Sharon a visité le lieu saint à Jérusalem. C'est ce qui semble avoir suscité les affrontements. Quelle corde sensible sa visite a-t-elle touchée des deux côtés ?
PIPES : Ce qu'Ariel Sharon montrait lors de sa visite il y a quelques jours, c'est qu'un Israélien peut aller n'importe où en Israël. Cette visite est également arrivée à un moment où les Palestiniens en avaient assez de négocier, marchander, parlementer et cherchaient un moyen de montrer qu'ils en avaient vraiment marre et qu'ils voulaient trouver un autre moyen d'atteindre leurs objectifs, c'est ce que nous voyons maintenant et qu'une personne au début de ce reportage a appelé la deuxième Intifada.
HALL : Si je vous comprends bien, il s'agissait essentiellement d'une expression de frustrations ?
PIPES : C'est exact. Les Palestiniens sont de plus en plus encouragés par ce qu'ils considèrent comme la faiblesse d'Israël, et de moins en moins enclins à négocier et de plus en plus tentés de suivre cette autre voie que sont la pression et la force, et dont nous voyons maintenant le commencement. Je m'attends à ce que cela dure un certain temps. Nous sommes, je pense, à un tournant.
HALL : Cette nouvelle Intifada – ces mots sont très forts – pouvez-vous nous mettre en perspective cette dernière série de violences ?
PIPES : Ce qui s'est passé depuis 1993, c'est que les Palestiniens ont formulé des exigences et que les Israéliens y ont fondamentalement consenti. Mais à mesure qu'ils empruntent la pente de plus en plus glissante du marchandage et des concessions, les Israéliens sont de plus en plus enclins à la retenue, d'autant plus à l'approche du Mont du Temple de Jérusalem. Et à ce stade, les Palestiniens disent, contre qui a besoin de négociations, utilisons la force. Il s'agit là de la mort des accords qui ont été conclus en 1993. Mais je pense que ça reflète deux choses : premièrement, la confiance en soi de plus en plus grande des Palestiniens et deuxièmement, le désir croissant des Israéliens de sortir purement et simplement de ce conflit, d'en finir et de continuer à faire d'autres choses plus intéressantes et passionnantes.
HALL : Des médiateurs externes comme l'ONU devraient-ils s'impliquer à ce stade ?
PIPES : Il est toujours bon d'avoir une médiation américaine, pour autant que nous ne mettions pas la pression sur notre propre agenda, mais que nous écoutions les deux côtés afin de nous pencher sur la situation de part et d'autre et de formuler de façon mûrement réfléchie nos propres conclusions. Donc oui mais avec beaucoup, beaucoup de prudence.
HALL : Alors, dans quel camp se trouve désormais la balle ?
PIPES : Eh bien, en premier lieu, elle est du côté des Palestiniens : vont-ils continuer à recourir à la violence, ou vont-ils céder ? Mais en second lieu, et au final, la balle est du côté des Israéliens : vont-ils accepter cette situation ou s'y opposer ? Vont-ils insister pour négocier ou dire, eh bien, vous avez raison, la violence va en fait nous mettre la pression. Il y a donc beaucoup à faire. Je pense que le moment présent est vraiment important en ce qui concerne le processus de paix israélo-arabe.
HALL : Pendant ce temps, sur le front diplomatique, vous observez et vous vous dites que les deux parties continueront vraisemblablement à se parler, dans l'espoir de faire avancer le processus de paix. Que va-t-il falloir pour reprendre ce processus, et pour l'arrêter ?
PIPES : Je pense que la situation ne dépend pas des gouvernants, des dirigeants. Ehud Barak, Yasser Arafat ne sont pas ceux qui, à l'heure actuelle, mènent la danse. La situation dépend de la rue palestinienne, comme on l'appelle, ainsi que de l'opinion publique israélienne. Je pense qu'à ce stade, les dirigeants attendent surtout de voir quelle réponse il convient de donner et une fois qu'ils l'auront découverte, ils pourront s'y tenir et prendre les mesures adéquates. Mais à ce stade, la situation est à peu près hors du contrôle de chacun. C'est une décision du corps politique, ce que les Palestiniens veulent faire et ce que les Israéliens vont faire en réponse.
HALL : Daniel Pipes du Forum du Moyen-Orient, merci beaucoup d'avoir été avec nous sur WORLDVIEW.
PIPES : Merci.