L'Informale : Étant donné les critiques que vous formulez depuis de nombreuses années concernant la gestion – plutôt que la recherche de victoire – par Israël du conflit avec les Palestiniens, l'attentat du 7 octobre vous a-t-il surpris ?
Daniel Pipes : Oui, complètement. L'audace, l'ampleur et le succès de l'opération semblent avoir surpris tout le monde, y compris même le Hamas et ses soutiens iraniens. Qui aurait cru que les Forces de défense israéliennes étaient si mal informées, mal préparées et incapables de riposter pendant des heures ? La gestion est une chose, l'incompétence en est une autre.
L'Informale : Quels ont été les principaux échecs d'Israël ?
Dans son roman "Altneuland", Theodor Herzl promouvait la politique de l'enrichissement. |
L'Informale : Dans l'un de vos récents articles, vous écrivez qu'Israël a désormais la possibilité de détruire le Hamas. Cette option implique vraisemblablement le contrôle de Gaza par Israël. Et que se passe-t-il ensuite ?
Daniel Pipes : Depuis 2008, la population de Gaza vit une expérience unique à savoir son utilisation comme chair à canon non pour gagner une guerre mais pour servir de victimes que le Hamas peut exploiter en vue d'obtenir la sympathie internationale. Cette expérience misérable, qui inclut des bombardements aériens à répétition, montre qu'une part importante des Gazaouis souhaite vivre une vie normale, c'est-à-dire sans guerre contre Israël. J'espère que les Israéliens confieront Gaza à ces personnes et les laisseront administrer le territoire. On peut considérer ça comme une version miniature de ce que les Alliés ont fait en Italie après 1945. Israël doit trouver l'Alcide De Gasperi* de Gaza.
L'Informale : Le régime iranien soutient le Hamas et de nombreux autres ennemis d'Israël, notamment le Jihad islamique palestinien, le Hezbollah et le régime d'Assad. Israël prendra-t-il des mesures contre Téhéran, son principal ennemi ?
Daniel Pipes : Des mesures ont déjà été prises : virus informatiques, vol d'archives, exécution de scientifiques, bombardements d'installations en Syrie, et bien plus encore. Mais toutes ces opérations ne sont que des escarmouches par rapport à une éventuelle attaque contre l'infrastructure nucléaire iranienne. J'espère en tout cas que cela aura lieu le plus tôt possible.
L'Informale : Pensez-vous que la Russie a apporté son soutien au Hamas ?
Daniel Pipes : Pas que je sache. J'imagine que pour le moment, Poutine n'a pas l'intention de s'attirer des ennemis supplémentaires et qu'il se limitera donc à des déclarations désagréables à l'égard des démocraties occidentales.
L'Informale : Le Hezbollah représente-t-il actuellement une menace sérieuse pour Israël ?
Daniel Pipes : L'énorme arsenal de roquettes et de missiles du Hezbollah en fait une menace bien plus puissante pour Israël que le Hamas.
L'Informale : Le massacre de Juifs perpétré par le Hamas en Israël – décapitations, viols, otages et femmes capturées comme esclaves sexuelles – est-il l'expression de la brutalité islamique dans sa forme la plus pure ?
Daniel Pipes : Oui, et cela ressemble à la brutalité exercée par l'État islamique en Irak et en Syrie (EI) à son apogée en 2014-2015. L'EI s'est fait un devoir de fournir des justifications islamiques méticuleuses à sa barbarie. Leur exemple montre une fois de plus l'urgence d'une modernisation de l'Islam.
L'Informale : Si Israël agit seul contre le Hamas, le monde ne va-t-il pas se retourner contre Israël ?
Daniel Pipes : C'est effectivement une issue à laquelle je m'attends. Il est beaucoup plus facile de se montrer « solidaire avec Israël » quand les Juifs sont massacrés que quand les forces israéliennes lancent une attaque. Israël doit être très prudent sur ce point car il ne peut pas se permettre de s'aliéner les démocraties occidentales.
*Note de Daniel Pipes : un lecteur non italien trouvera probablement l'exemple de l'Allemand Konrad Adenauer plus familier.