Président du Middle East Forum, Daniel Pipes est un ancien fonctionnaire des départements d'État et de la Défense des États-Unis. Il répond aux questions d'El Moudjahid sur la problématique de la migration et estime que «les pays occidentaux doivent reprendre le contrôle sur les frontières». Pour lui, «le nombre croissant de migrants illégaux est le moteur principal des politiques anti-migratoires», dans un certain nombre de pays occidentaux.
El Moudjahid : On estime que 286 millions de personnes dans le monde vivent actuellement en dehors de leur pays de naissance, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré...
Daniel Pipes : Oui, ce chiffre devrait augmenter, en raison de nombreux facteurs, notamment : la croissance démographique, l'augmentation de la connectivité et du commerce, l'inégalité croissante des revenus, les taux démographiques variables et le changement climatique. La migration en soi est un phénomène positif. Elle ouvre la voie à l'évasion des zones de conflit et des dictatures, à la réalisation des ambitions de carrière, à l'amélioration des conditions de vie, et bien d'autres choses encore. Mais la migration doit être contrôlée pour écarter les facteurs indésirables, qu'ils soient criminels ou idéologiques, et aussi pour conserver la culture des pays de destination. Autrement dit, la plupart des gens acceptent la migration légale, mais rejettent la migration illégale.
La Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP28) de 2023 a souligné le rôle des problèmes environnementaux sur les migrations. C'est admettre que la question a une dimension globale ?
Il ne fait aucun doute que le changement climatique entraîne une migration à grande échelle et même catastrophique. L'Iran est un cas extrême. En 2015, Issa Kalantari, vice-Président iranien, a averti que l'Iran, en continuant à exploiter près de 100% de ses eaux de surface, forcera 70% de la population, soit 50 millions de personnes, à quitter le pays. Les villes côtières d'Afrique de l'Ouest glissent dans l'océan. Et ainsi de suite, pour ne donner que ces deux exemples. Ces chiffres accentuent non seulement les crises de migration illégale, mais aussi les famines et les guerres.
En théorie, une mobilité bien gérée peut contribuer au développement durable, à la prospérité et au progrès. Mais est-ce pratiquement possible, dans une planète en crise ?
Ce sera difficile, mais je crois que cela peut se faire, à la condition de deux changements principaux. Premièrement, les pays de destination, principalement occidentaux, doivent prendre le contrôle de leurs frontières. Ils ne doivent pas seulement en parler, mais trouver la volonté et déployer les ressources pour le faire. Deuxièmement, les migrants doivent cesser de se concentrer si spécifiquement sur l'Occident et trouver plutôt des destinations plus proches, celles qui sont culturellement plus proches d'eux-mêmes.
Quelles sont les meilleures façons de traiter les personnes déplacées par les conflits, la violence locale, les catastrophes naturelles et d'autres causes ?
Le statut de réfugié doit être clairement distingué des autres motifs de migration. Cela ne se produit actuellement que dans le cas de la violation.
Quel est l'impact des attitudes et politiques anti-migrants croissantes dans de nombreux pays, à la fois en Occident et au-delà, comme la Turquie, l'Iran et l'Inde ?
Le nombre croissant de migrants illégaux est devenu un moteur principal de la politique dans un certain nombre de pays occidentaux, y compris la Hongrie, la Suède, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la France et les États-Unis. C'est également devenu un problème majeur dans les trois pays non occidentaux que vous citez. Je m'attends à ce que la question continue de prendre de l'importance, jusqu'à ce que les pays de destination parviennent à prendre le contrôle de l'afflux. Je m'attends également à ce que les méthodes deviennent plus dures, pour dissuader ceux qui envisagent d'immigrer sans permission. Cela promet d'être l'une des questions les plus complexes des décennies à venir.