Au lendemain du 11 septembre 2001, la police texane arrêta deux Musulmans indiens qui voyageaient en train avec 5000 dollars en espèces, de la teinture noire pour les cheveux et des cutters similaires à ceux utilisés la veille pour détourner quatre avions de ligne.
[La police mit les deux hommes en examen d'abord sur la base de chefs d'inculpation relatifs à la loi sur l'immigration (leurs visas américains étaient échus). Leur détention fut ensuite prolongée lorsque l'enquête révéla des escroqueries à la carte de crédit. Mais le réel intérêt des forces de l'ordre était bien sûr motivé par leurs liens éventuels avec Al-Qaida.]
Pour creuser davantage cette affaire – nos informations proviennent ici de l'un des deux hommes, Ayub Ali Khan, après sa remise en liberté –, les autorités leur firent subir un traitement très rude.
Khan dit que l'interrogatoire le «terrorisa» [il relate comment «cinq ou six hommes me poussaient en tous sens brutalement en posant des séries de questions rapides (…) Et soudain ils me jetèrent violemment contre le mur.» Ils lui posèrent également des questions de nature politique: avait-il, par exemple, «jamais discuté de la situation en Palestine avec des amis?»].
Khan, finalement disculpé des accusations de liens avec le terrorisme et libéré de prison, porte un regard plutôt amer – on le comprend aisément – sur son expérience. Il déclare ainsi que lui et son compagnon de voyage furent sélectionnés par la police sur la base d'un profilage. Cela est évidemment le cas: si Khan n'avait pas été musulman, la police n'aurait guère été intéressée par sa personne et ses cutters.
Les tribulations de Khan révèlent bien les questions extrêmement délicates et déchirantes soulevées par les procédures judiciaires liées à la guerre contre la terreur. Est-il sensé et judicieux de soumettre les Musulmans à une surveillance renforcée? Et si oui, de telles mesures sont-elles légalement et moralement acceptables?
Pour répondre à la première de ces questions – oui, il est parfaitement judicieux de renforcer la surveillance des Musulmans, et ce pour plusieurs raisons:
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Au cours de leurs attaques perpétrées contre des Américains, les islamistes – les adeptes de l'Islam militant – ont tué près de 4000 personnes depuis 1979. Aucun autre ennemi, et de loin, ne nous a infligé de telles pertes.
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Les islamistes se préparent à tuer de nombreux autres Américains, comme le montrent les arrestations de leurs membres, plus d'un groupe par mois, depuis le 11 septembre.
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Si la majorité des Musulmans ne sont des islamistes, et si la majorité des islamistes ne sont pas des terroristes, tous les terroristes islamistes sont des Musulmans.
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Les terroristes islamistes n'apparaissent pas spontanément, ils sont les produits d'un milieu fait d'approbation religieuse, da justification intellectuelle, de soutien financier et de planification organisée.
Ces circonstances – et nous touchons ici à la partie déplaisante – sont autant de motifs impératifs pour concentrer notre attention sur les Musulmans. Il n'y a pas d'échappatoire au triste fait que les Musulmans employés dans les forces de l'ordre, dans l'armée et dans le corps diplomatique doivent faire l'objet d'enquêtes quant à leurs liens éventuels avec le terrorisme. Ce doit être le cas aussi des aumôniers musulmans dans les prisons et parmi les forces armées. Les visiteurs et les immigrants musulmans doivent être soumis à des contrôles supplémentaires. Les mosquées doivent être surveillées avec une attention supérieure à celle nécessitée par les églises ou les temples.
Le fait de trier ainsi une classe de personnes en fonction de leur religion semble injuste, et même carrément non américain, de sorte que la question se pose: de telles mesures de surveillance, bien qu'utiles, sont-elles acceptables?
Si les Américains entendent se protéger contre le terrorisme islamiste, ils doivent accorder temporairement une priorité plus élevée aux préoccupations sécuritaires qu'aux susceptibilités libertaires.
Pour empêcher des islamistes de causer d'autres dommages, il faut hélas se concentrer sur les Musulmans. Ne pas le faire revient à encourager le terrorisme.
Ce grave état de fait amène quatre réflexions:
Premièrement, comme le montre l'expérience de Khan. Les Musulmans sont d'ores et déjà soumis à une surveillance particulière. Le temps est venu pour les politiciens de rattraper leur retard sur la réalité et de reconnaître formellement ce qui passe actuellement pour des pratiques quasiment clandestines. Ce geste permettrait de placer ces questions dans l'arène publique, où elles pourraient être débattues ouvertement.
Deuxièmement, le fait d'avoir à intensifier l'attention portée aux Musulmans est en soi si désagréable, si déplaisant, que les mesures en question doivent être prises avec un maximum de soin et de tact, en n'oubliant jamais, surtout, que sept Musulmans sur huit ne sont pas des islamistes et qu'un nombre plus restreint encore d'entre eux ont des liens avec le terrorisme.
Troisièmement, il s'agit là de mesures d'urgence qui seront interrompues dès la fin de la guerre contre la terreur.
Enfin, les Musulmans innocents qui devront subir une surveillance accentuée peuvent se consoler en pensant que leur sécurité aussi est renforcée par ces mesures.
Note: La version originale anglaise comporte également une liste – non exhaustive – des arrestations et des condamnations intervenues aux États-Unis en liaison avec le terrorisme.