Le ministre israélien de l'Intérieur déclara récemment qu'après leur remise en liberté, quatre Palestiniens condamnés à de longues peines de prison pour avoir contribué, en 2002, à l'organisation d'attentats-suicide qui firent 35 victimes seraient expulsés d'Israël. Comme l'indique le communiqué d'Associated Press, ils «perdront les privilèges des résidents permanents, tels que la sécurité sociale et l'assurance-maladie».
La décision du ministre suscite une question: pourquoi des Palestiniens cherchant à détruire l'État d'Israël se sentiraient-ils punis en perdant le droit d'y résider? On pourrait s'attendre à ce que des terroristes anti-israéliens souhaitent vivre dans l'Autorité palestinienne (AP).
On aurait tort. Les palestiniens – même les terroristes – préfèrent généralement vivre dans ce qu'ils appellent l'«entité sioniste». Cette attitude devint particulièrement évidente à deux reprises, lorsqu'une portion de territoire – Jérusalem Est en 2000 et une partie du «Triangle» de Galilée en 2005 – était censée passer sous contrôle de l'AP. Dans les deux cas, les Palestiniens concernés s'accrochèrent à Israël.
Jérusalem. Lorsque la diplomatie du premier ministre israélien Ehud Barak évoqua la possibilité, vers le milieu de l'an 2000, de transférer à l'AP des portions de Jérusalem à majorité arabe, un travailleur social estima qu'«une écrasante majorité» des quelque 200 000 Arabes de Jérusalem préféraient rester sous contrôle israélien. Un membre du Conseil national palestinien, Fadal Tahabub, précisa l'information: selon lui, 70% des résidents concernés préféraient la souveraineté israélienne. Un autre politicien, Husam Watad, parla de «véritable panique» des gens à l'idée de se retrouver sous le règne de l'AP.
Le ministre israélien de l'Intérieur fit effectivement état d'une forte augmentation du nombre des demandes d'octroi de la citoyenneté israélienne et un conseiller municipal, Roni Aloni, résuma ainsi le message que lui avaient confié les Arabes de Jérusalem: «Nous ne sommes pas comme Gaza ou la Cisjordanie. Nous avons des cartes d'identité israéliennes. Nous sommes habitués à plus de qualité de vie. Même si le système israélien n'est pas très bon, il reste meilleur que celui de l'AP.» Un médecin souhaitant obtenir des papiers israéliens expliqua: «Nous voulons rester en Israël. Ici, au moins, je peux exprimer mon opinion librement, sans crainte d'être jeté en prison, et j'ai une chance de gagner ma vie correctement.»
Soucieux de stopper cette ruée vers la citoyenneté israélienne, le principal officiel islamique de Jérusalem émit un décret d'interdiction et l'agent de l'OLP à Jérusalem, Faysal al-Husayni, alla jusqu'à qualifier cette attitude de «trahison». Devant l'inefficacité de ces mesures, Husayni menaça de confisquer les logements de ceux qui prendraient la citoyenneté israélienne.
Le Triangle de Galilée. Dans cette région à majorité palestinienne, au nord du pays, un sondage de mai 2001 révéla qu'à peine 30% de la population arabe israélienne approuvaient l'annexion du Triangle de Galilée par un futur État palestinien, suggérant qu'une large majorité d'entre eux préféraient rester en Israël. En février 2004, lorsque le gouvernement Sharon testa l'idée de céder à l'AP le contrôle du Triangle de Galilée, l'Arab Center for Applied Social Research annonça que cette majorité avait atteint 90%. Et 73% des Arabes du Triangle se déclarèrent prêts à user de violence pour empêcher la modification du tracé des frontières.
Des politiciens locaux s'opposèrent farouchement à toute cession de territoires de la Galilée par Israël; Ahmed Tibi, membre arabe du parlement israélien et ex-conseiller de Yasser Arafat, qualifia l'idée de «suggestion dangereuse et antidémocratique». L'opposition arabe intense provoqua l'abandon rapide du projet de transfert.
De même, en 2004, pendant la construction de la clôture de sécurité, des Palestiniens durent choisir de quel côté de la clôture ils souhaitaient vivre. La plupart d'entre eux, à l'image d'Ahmed Jabrin, de Umm al-Fahm, ne doutèrent pas un instant: «Nous avons lutté [auprès des autorités israéliennes] pour être à l'intérieur, et ils déplacèrent la barrière afin que nous puissions rester en Israël.»
Le fait que les Palestiniens soient très nombreux à préférer vivre sous le contrôle israélien semble résulter plutôt de considérations d'ordre pratique que d'une intention de submerger démographiquement l'État juif. Ils considèrent l'AP comme pauvre, autocratique et anarchique. Comme l'explique un Palestinien, c'est «un État indéfini, sans parlement, ni démocratie, ni même aucune université digne de ce nom».
Les Palestiniens ne sont pas engagés idéologiquement au point de dédaigner le confort de la vie en Israël. Deux conclusions à long terme s'imposent donc. D'abord, si les exigences des Palestiniens en matière de «droit au retour» devaient un jour être satisfaites, Israël connaîtrait un afflux massif de population. Ensuite, tout accord prévoyant le transfert aux Palestiniens de territoires gérés par les Israéliens sera très difficile à appliquer.