Les Palestiniens ont des tendances cachées à apprécier Israël qui contrastent avec leur narratif mieux connu de calomnie et d'irrédentisme.
Cet aspect est particulièrement évident ces derniers temps, surtout depuis que le premier ministre israélien, Ehud Olmert, a lancé un ballon d'essai, en octobre, à propos du transfert à l'Autorité palestinienne de certaines zones à majorité arabe de Jérusalem Est. Il s'était alors exprimé en ces termes: «Était-il bien nécessaire d'annexer le camp de réfugiés de Shuafat ainsi qu'al-Sawahra, al-Walajeh et d'autres villages, puis de déclarer qu'ils font partie de Jérusalem? J'admets qu'on peut légitimement se poser des questions à ce sujet.»
Cette déclaration fit passer d'un seul coup les témoignages pro-israéliens des Palestiniens (pour quelques exemples, voir mon article de 2005 «L'enfer d'Israël vaut mieux que le paradis d'Arafat») de l'état de théorie à celui de discours actif et politique.
En effet, les rêveries d'Olmert déclenchèrent de véritables levées de boucliers. Comme le résume le titre d'une dépêche du Globe and Mail, «Certains Palestiniens préfèrent vivre en Israël: à Jérusalem Est, des résidents déclarent qu'ils s'élèveraient contre un transfert au régime d'Abbas». L'article propose l'exemple de Nabil Gheit, dont on pourrait s'attendre qu'il se réjouisse de voir Jérusalem Est passer sous le contrôle de l'AP, compte tenu de ses deux séjours dans les prisons israéliennes et des affiches du «martyr Saddam Hussein» trônant au-dessus de la caisse de son commerce.
Mais ce n'est pas le cas. Gheit, qui est aussi mukhtar de Ras Khamis, près de Shuafat, redoute l'AP et affirme que lui et ses amis combattraient un tel projet. «S'il y avait un référendum ici, personne ne voterait en faveur d'un transfert à l'Autorité palestinienne. (…) Il y aurait une autre intifada pour nous défendre contre l'AP.»
Deux sondages publiés la semaine passée, réalisés par Keevoon Research, Strategy & Communications et par le quotidien en langue arabe As-Sennara auprès d'un échantillon représentatif des Arabes israéliens adultes, corroborent le sentiment exprimé par Gheit. À la question «Préfèreriez-vous être un citoyen d'Israël ou d'un nouvel État palestinien?», 62% des répondants déclarent vouloir rester des citoyens israéliens et 14% disent souhaiter rejoindre un futur État palestinien. Interrogés sur «le transfert du triangle [une zone majoritairement arabe au nord d'Israël] à l'Autorité palestinienne», 78% des répondants rejettent cette idée et 18% la soutiennent.
Si l'on fait abstraction des «ne sait pas/refuse de répondre», les taux de réponses favorables à un maintien en Israël sont presque identiques – de 82 et 81% respectivement. Gheit exagère en disant que «personne» ne veut vivre dans l'AP, mais pas de beaucoup. Ce fait est encore confirmé par les milliers de résidents palestiniens de Jérusalem inquiétés par l'AP et qui ont demandé la citoyenneté israélienne depuis la déclaration d'Olmert.
Pourquoi un tel penchant pour l'État que les Palestiniens injurient sinon dans les médias, les universités, les écoles, les mosquées et les organismes internationaux, pour cet État qu'ils terrorisent quotidiennement? Le mieux est d'expliquer leurs motivations par de simples citations.
Considérations financières. «Je ne veux rien avoir à faire avec l'AP. Je veux l'assurance maladie, les écoles, tout ce que nous avons en vivant ici», dit Ranya Mohammed. «Je partirai m'installer en Israël plutôt que de rester ici pour vivre sous l'AP, même si je dois prendre un passeport israélien pour cela. J'ai vu leurs souffrances dans l'AP. Ici, nous avons beaucoup de privilèges auxquels je ne suis pas prête à renoncer.»
Ordre public. Les journalistes arabes israéliens Faiz Abbas et Muhammad Awwad observent que les Palestiniens de Gaza «regrettent les Israéliens, car ils faisaient preuve de plus de mansuétude que [les gangsters palestiniens], qui ne savent même pas pourquoi ils se battent et se tuent les uns les autres. Comme dans le crime organisé.»
Éducation des enfants. «Je veux vivre en paix et faire éduquer mes enfants dans une bonne école», dit Jamil Sanduqa. «Je ne veux pas que mes enfants apprennent la vie en lançant des pierres ou en imitant le Hamas.»
Avenir plus prévisible. «Je veux continuer de vivre ici avec ma femme et mon enfant sans avoir à craindre pour notre avenir. C'est pourquoi je veux obtenir la citoyenneté israélienne. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve», dit Samar Qassam, 33 ans.
D'autres évoquent des préoccupations liées à la corruption, aux droits de l'homme et même au respect de soi («Quand les Juifs parlent de me transférer, c'est comme s'ils niaient mon droit à exister en tant que personne»).
Ces réflexions ne vont pas jusqu'à désavouer l'antisionisme malveillant qui règne au Moyen-Orient, mais elles révèlent que quatre cinquièmes des Palestiniens qui connaissent vraiment Israël comprennent les attraits d'une vie convenable dans un pays convenable. Et ce fait a d'importantes implications positives.