Les forces américaines ont quitté les villes irakiennes, la semaine passée, en plein défilés, feux d'artifice et slogans scandés, du type « Dehors l'Amérique, dehors » et « l'Amérique a quitté ! Bagdad est victorieuse » !
Les Irakiens ont fêté le retrait des soldats américains des villes irakiennes, le 1er juillet. |
jusqu'au 31 décembre 2011 « toutes les forces américaines doivent se retirer de tout le territoire irakien, aussi bien maritime qu'aérien. La SOFA accorde aussi à Bagdad le contrôle sur les opérations militaires américaines et elle définit le rôle des Etats-Unis , en Irak, dans des domaines tels que l'économie et l'éducation .
Certaines fortifications urbaines des Etats-Unis ont été remises aux Irakiens, d'autres ont été rasées. Comme le capitaine Andrew Roher le dit, alors qu'il se trouvait dans une rue commerciale dans le centre de Bagdad, regardant sa petite base militaire être détruite, « l'objectif est de ne laisser aucune trace ». Les troupes américaines ont déménagé pour aller dans des tentes et des « installations » en contreplaqué ( qu'il ne faut pas appeler « bases »), à l'extérieur des villes.
Ces changements signifient, en bref, que les Irakiens, en dépit de plus de six ans d'occupation sous direction américaine et du soutien financier considérable des USA don ils continuent à avoir besoin, sont enfin plus ou moins en mesure de gérer leur propre pays.
A mon avis, ce déménagement américain à la campagne vient six années trop tard. Déjà dans un article datant de 2003, intitulé « Laissez les Irakiens gérer l'Irak », je conseillais : « Redonnez le pouvoir aux Irakiens . Laissez-les former un gouvernement.Retirez les forces de coalition de leur activité consistant à patrouiller dans les rues de la ville et à protéger les bâtiments . Mettez-les dans les bases du désert. »
Le long retard de Washington a coûté le prix fort aux Américains, à commencer par des milliers de morts et des centaines de milliards de dollars, et cela s'est poursuivi par un [véritable] empoisonnement de la politique américaine. Lier les intérêts américains au bien-être des Irakiens urbains a détruit la solidarité de l'après-onze septembre « Nous nous tenons unis » et a remplacé cela par le débat le plus hargneux et le plus haineux du pays depuis la guerre du Vietnam.
Pire encore, l'occupation des villes irakiennes aura une incalculable mais effrayante influence à long terme. Plus que tout autre facteur, la prise de responsabilité sur les villes irakiennes a discrédité George W. Bush et a été à l'origine de la lame de fond [rapide et violente] de soutien qui a porté le politicien de loin le plus à gauche de tous les temps, à la présidence. Les premiers six mois de pouvoir de Barack Obama laissent à penser qu'il aspire à apporter des changements fondamentaux dans les rapports entre l'Etat et la société ; en ce sens, les Américains pour de nombreuses décennies devront probablement payer pour les erreurs commises en Irak.
Et qu'en est-il, en ce qui concerne l'influence de l'occupation sur les Irakiens ? Comme Ernesto Londoño du Washington Post le fait remarquer, deux questions ont hanté les troupes des Etats-Unis, alors qu'ils préparaient leur retrait du 30 juin. Comment se comporteraient les forces irakiennes après leur départ ? Les vies américaines et la trésorerie consacrée à soutenir et à légitimer le gouvernement irakien se révèleront- elles avoir été un bon investissement ?
Je suis pessimiste, voyant l'Irak comme un pays
historiquement violent, émergeant à peine du cauchemar stalinien de Saddam Hussein , un lieu plein de corruption, de tension, de haine et de désir de vengeance. Avoir eu les troupes américaines à peu près six ans de temps a contenu temporairement les pressions mais cela a à peine amélioré le sort du pays.
De nombreux Irakiens sont d'accord sur ce point. « Quand les Américains quitteront, tout sera pillé parce que personne ne prendra garde à quoi que ce soit » dit un lieutenant de l'armée irakienne. « Ils auront une guerre civile- sans l'ombre d'un doute », prédit un interprète. Nul ne prête attention aux vigoureux messages d'espoir et de réconciliation diffusés en Irak avec l'argent des contribuables américains . « L'Irak est actuellement comme un bébé. Il a besoin de gens pour s'occuper de lui » a déclaré le président d'un conseil de sécurité locale. Un membre de l'assemblée législative chiite , Qassim Daoud, appelle ouvertement les troupes américaines à rester jusqu'en 2020 ou 2025.
Mais les troupes sont en train de quitter , sans qu'on puisse empêcher cela ( inexorablement) et, je le prédis, l'énorme effort américain va rapidement disparaître, échouer et être oublié.
Les Irakiens vont devoir s'occuper – bien mal – de problèmes tels que le terrorisme, les tensions entre sunnites et chiites, l'autonomie kurde, les ambitions islamistes, la disparition des Chrétiens, le fragile barrage de Mossoul et la question des infrastructures obsolètes pour le transport de pétrole et de gaz. La guerre civile demeure une perspective réelle à la suite d'un retour à des luttes sectaires. Les données actuelles indiquent que les Irakiens ne peuvent même pas maintenir leur matériel militaire reçu comme un don des Etats-Unis et qui valent des milliards de dollars.
En tant qu'Américain, je dis bonne chance à l'Irak mais je dis bon débarras pour les USA qui n'auront plus à contrôler ses villes, je dis adieu à la surveillance de l'économie et des écoles, je dis adieu aux préoccupations des relations inter-tribales et au barrage de Mossoul et je dis adieu à la responsabilité pour les terroristes et leurs victimes.
Ironie du sort, alors que l'occupation des villes irakiennes a causé un dommage profond et durable aux Etats-Unis, son influence bénéfique sur l'Irak sera probablement superficielle et éphémère. Somme toute, un douloureux gaspillage de ressources est en train de tirer à sa fin et ce n'est pas trop tôt.