Cet article présente une chronologie des initiatives menées par Tariq Ramadan pour obtenir une autorisation de séjour aux États-Unis depuis le 14 décembre 2004. Elle fut précédée d'une autre chronologie qui couvrit la période allant du 31 août 2004 au 14 décembre 2004 et qui s'intitulait Tariq Ramadan, the Chicago Tribune, and Me.
14 décembre 2004
Je fus surpris d'apprendre que Tariq Ramadan ait abandonné l'idée d'enseigner à l'University of Notre Dame (en Indiana aux États-Unis). Étant donné que le département d'État (State Department) l'encourageait ouvertement à réappliquer, étant donné que les questions que souhaitait lui poser le département de la Sécurité intérieure des États-Unis (Department of Homeland Security) furent ignorées par les responsables de l'immigration américaine qui l'interrogèrent à Bâle (Suisse), étant donné que les milieux de l'éducation supérieure américaine faisaient pression pour qu'il soit admis, il semblait inévitable que tôt ou tard il reçoive l'autorisation d'enseigner aux États-Unis.
Que Ramadan ait formellement renoncé à aller à Notre Dame peut nous inciter à croire que le dossier monté par la Sécurité intérieure américaine à son sujet était bien étayé. Ceci ne me surprend pas. Il y a quelques semaines, un haut responsable de la Sécurité intérieure me regarda droit dans les yeux et me déclara : « La preuve que nous avons est accablante ».
La mise à l'écart de Ramadan constitue une victoire dans la campagne visant à garder l'ennemi hors des frontières américaines puisque peu de leaders islamistes bénéficient d'autant d'appui en haut lieu. Si cet individu peut être gardé hors des États-Unis alors n'importe qui peut l'être.
Ceci étant dit, la victoire n'est pas complète puisque les raisons invoquées pour refuser une autorisation de séjour à Ramadan étaient toutes fondées sur les liens qu'il entretient avec les milieux terroristes. J'espère que, dans le futur, le simple fait d'être un islamiste (même sans lien avec les milieux terroristes) suffira pour justifier que les étrangers soient maintenus hors des frontières américaines comme ce fut le cas des communistes à une autre époque.
15 décembre 2004
Le Washington Post fournit de nouvelles informations dans le dossier de Ramadan obtenues grâce à une entrevue accordée par Angela Aggeler, une porte-parole du département d'État. Aggeler expliqua que le visa fut refusé pour des motifs de sécurité comme c'est le cas quand il s'agit de terroristes, de leurs complices et de ceux qui incitent à la violence. Il s'agissait de la seconde demande de visa faite par Ramadan. Elle fut analysée jusqu'à hier. Il semblerait que ce soit le département de la Sécurité intérieure qui ait tranché en sa défaveur.
21 décembre 2004
Peut- être finirons-nous enfin par connaître toute la vérité sur Tariq Ramadan. Dans un article sensationnel publié aujourd'hui dans le journal Le Temps de Genève, Sylvain Besson nous fournit un aperçu des accusations pesant contre Djamel Beghal, l'une des six personnes inculpées d'attaque terroriste contre l'ambassade américaine de Paris. Besson décrit Beghal comme un prédicateur itinérant de 36 ans membre d'un réseau international islamiste de terreur qui est déterminé à vivre comme vécut le Prophète de l'islam et à commettre des actes de violence contre les infidèles.
Les liens qui unissent Ramadan et Beghal remonteraient à 1994, lorsque ce dernier devint un musulman pratiquant. À cette époque, selon l'acte d'accusation, « il se chargeait notamment de préparer les discours de Tarik (sic) Ramadan ». L'intellectuel genevois, qui n'a jamais admis avoir rencontré ou se souvenir de Djamel Beghal, n'a pas répondu aux messages laissés par Le Temps à son domicile.
Si c'est exact, on ne peut s'étonner que l'entrée aux États-Unis ait été interdite à Ramadan.
22 décembre 2004
Olivier Guitta propose une bonne mise à jour du dossier Ramadan dans un article du American Thinker intitulé Tariq Ramadan is not a victim ("Tariq Ramadan n'est pas une victime"')
20 janvier 2005
Ramadan publie aujourd'hui une larmoyante lettre ouverte à George W. Bush dans laquelle on retrouve le passage suivant :
« Je sais fort bien, comme le savent d'ailleurs le département de la Sécurité intérieure et le département d'État que mon dossier est vide. Le Patriot Act fut invoqué comme un simple prétexte pour m'obliger à réappliquer. Depuis lors, c'est le silence complet. Pourquoi cette décision fut-elle prise ? De quoi donc avez-vous peur ? Serait-ce que vous perceviez la liberté d'expression des milieux universitaires comme une menace? À moins que vous ne craigniez que les critiques dont vous faites l'objet ne s'intensifient, même si elles sont constructives et ce, particulièrement si elles émanent d'un intellectuel musulman ? Qu'êtes-vous donc en train de faire de votre pays, monsieur le président? »
Ramadan croit-il que ce genre de cabotinage améliorera ses chances d'entrer aux États-Unis ?
3 février 2005
Un communiqué de presse émis par les services techniques de l'University of Notre Dame explique comment Ramadan enseigna à une classe à l'automne 2004. En septembre, le Kroc Institute for International Peace Studies eut recours à la technique de vidéoconférence pour permettre à Tariq Ramadan d'échanger avec ses étudiants à partir de la Suisse. « Ce fut un merveilleux exemple d'apprentissage à distance. » déclara Julie Titone, directrice des communications au Kroc Institute. « Les étudiants posèrent des questions fort pertinentes et le professeur leur donna des réponses précises. Il y eut un excellent échange », ajouta-t-elle. Bien que Ramadan ait choisi de renoncer à son poste de professeur en raison de ses difficultés à obtenir un visa, « la vidéoconférence permit au moins à un groupe d'étudiants américains de se familiariser avec ses idées. » conclut Titone.
25 janvier 2006
Un an plus tard, Ramadan se ravise et tente désormais d'être admis aux États-Unis grâce au concours de l'American Civil Liberties Union (ACLU). L'ACLU cherche à faire de Ramadan un cas type dans une poursuite qu'elle mène au niveau fédéral contre la constitutionalité de l'article 411(a)(1)(A)(iii) du Patriot Act. Il s'agit de l'article excluant les ressortissants étrangers favorables au terrorisme généralement identifiée comme l'article de l'exclusion idéologique.
Ramadan lui-même, soutenu par trois organisations américaines (l'American Academy of Religion, l'American Association of University Professors et le PEN American Center) plaide qu'il « n'appuie pas le terrorisme, ne le supporte pas, n'encourage personne à le supporter et qu'il ne l'a jamais fait ». Deuxièmement, il soutient que « les actions illégales du gouvernement américain empêchent les échanges intellectuels concernant l'islam et le monde musulman. »
Les implications de la poursuite menée par l'ACLU sont stupéfiantes. Elles nous amènent à conclure que, peu importe ses idées, n'importe qui a le droit d'être admis aux États-Unis. Les autorités seraient donc légalement tenues d'admettre l'ennemi sur son territoire.
Il est ironique de constater que Salman Rushdie est le président du PEN American Center. Le communiqué de l'ACLU reprend d'ailleurs sa déclaration voulant que « l'exclusion du professeur Ramadan illustre que le Patriot Act et les autres mesures prises après le 11 septembre 2001 mènent les Américains à l'isolement alors qu'il est plus essentiel que jamais d'instaurer un climat de dialogue. » On aurait certainement pu s'attendre à ce que Rushdie qui vit maintenant dans la région de New York ne fasse pas partie de ceux qui souhaitent la bienvenue aux islamistes sur le sol américain.
15 mars 2006
En plus de contester la constitutionalité de certaines clauses du Patriot Act, Ramadan a pris un certain nombre de mesures pratiques afin de pouvoir visiter les États-Unis. Aujourd'hui l'ACLU a soumis en son nom certains documents afin qu'un juge émette un jugement préliminaire qui statuerait que le gouvernement fédéral s'objecta sans motif valable à sa visite et qu'en conséquence on lui permet de venir au pays en avril prochain pour y présenter des conférences. Jameel Jaffer, le responsable du dossier Ramadan à l'ACLU déclara que « le gouvernement n'a pas l'autorité d'empêcher la venue d'experts uniquement parce qu'il n'apprécie pas ce qu'ils ont à dire ». Ce à quoi Bruce Tefft, un spécialiste de l'antiterrorisme, répondit : « En tant que responsable d'un état souverain, le gouvernement des États-Unis a toute l'autorité requise pour empêcher la venue de ceux qu'il juge indésirables ».
4 avril 2006
Le Center for the Study of Islam and Democracy (CSID) offre 46 500$ pour financer la venue de dix « leaders musulmans démocrates » afin qu'ils participent à une conférence qui se tiendra à Washington au début mai. Tariq Ramadan fait partie des invités que le CSID compte faire venir. On maintient la pression. Fait à signaler : le CSID identifie Ramadan comme étant d'origine égyptienne plutôt que suisse.
14 avril 2006
Les procédures judiciaires discutées dans la note du 15 mars 2006 ci-haut sont amorcées. Elles laissent les observateurs perplexes.
Les documents présentés par le gouvernement aux audiences tenues par la Cour fédérale à New York révèlent que, contrairement aux déclarations officielles, M. Ramadan ne s'est pas vu refuser un visa parce qu'il tombait sous le coup de la clause du Patriot Act interdisant l'entrée aux États-Unis des ressortissants étrangers qui appuient et supportent le terrorisme. Le gouvernement a également déclaré qu'il ne comptait pas invoquer cette clause dans le futur contre M. Ramadan.
Ceci étant dit, le gouvernement maintient que le cas de M. Ramadan constitue toujours un dossier de sécurité nationale. Ses récentes déclarations aux autorités consulaires américaines en Suisse ont d'ailleurs soulevé de nouvelles questions importantes sur les risques rattachés à son admission aux États-Unis.
19 avril 2006
J'en suis venu à la conclusion que l'interdiction pour Tariq Ramadan d'entrer aux États-Unis qui est en vigueur depuis août 2004 va à l'encontre de la volonté de plusieurs haut placés et ce, même au département d'État. Ils vont continuer à faire pression et j'ai l'impression qu'ils réussiront éventuellement à le faire admettre. Bien que ce ne soit pas encore arrivé, certains signes sont éloquents. Rachel Ehrenfeld rapporte que Tariq Ramadan a été invité à une conférence commanditée par l'ambassade américaine à Rome. Non seulement les invitations portent le grand sceau des États-Unis mais l'ambassadeur américain, Ronald P. Spogli, est l'un des conférenciers invités. La conférence intitulée "Immigration et intégration : l'islam en Europe et l'islam aux États-Unis" se tiendra les 4 et 5 mai 2006.
21 avril 2006
Un communiqué émis par le Centre for American Studies nous apprend que « malheureusement, en raison du contexte politique trouble qui prévaut actuellement, plusieurs personnes nous ont demandé de reporter la conférence ». Bravo, Rachel Ehrenfeld.
11 juillet 2006
Ramadan m'a à la fois tenu responsable du fait qu'il n'avait pu obtenir l'autorisation d'entrer aux États-Unis (il a déclaré que j'avais servi de « fer de lance » dans la campagne lancée contre lui) tout en m'absolvant du crime (« Je n'ai jamais dit ou suggéré que M. Pipes est à l'origine de la décision de me refuser le visa »). Les détails sont disponibles dans mon article Tariq Ramadan, the Chicago Tribune, and Me.
Maintenant, notre professeur confus a recommencé à me blâmer dans une entrevue publiée sur un site islamiste allemand : « J'étais censé devenir professeur à Notre Dame. Il s'agissait d'un poste permanent et je désirais rester là. Neuf jours avant mon départ vers les États-Unis, je dus cependant renoncer à partir. Tout cela est attribuable à Daniel Pipes qui a inscrit mon nom sur une liste de personnes œuvrant dans le milieu universitaire qu'il considère indésirables. Si quelqu'un critique la politique israélienne et appuie les Palestiniens, cette soi-disant organisation Campus Watch les fiche. »
Mon commentaire : Ramadan fabule. Campus Watch ne maintient pas de liste noire et n'a fait aucun effort pour le garder hors du territoire américain.
24 août 2006
À partir du moment où l'on refusa à Ramadan le droit d'entrer aux États-Unis il y deux ans, j'étais convaincu qu'éventuellement cette décision serait renversée. Les forces agissant en sa faveur sont trop fortes pour pouvoir y résister indéfiniment. Un grand pas a été franchi en ce sens aujourd'hui quand le gouvernement américain décida de ne pas en appeler de la décision rendue en juin dernier par le juge Paul A. Crotty. Dans sa décision du mois de juin, le juge accordait trois mois au gouvernement pour décider si Ramadan pouvait être admis ou non au pays. Cela nous mène au 21 septembre prochain. L'American Civil Liberties Union manifesta sa satisfaction lorsqu'elle apprit que le gouvernement n'en appellerait pas de la décision.
10 septembre 2006
Dans un article de son blog intitulé Tariq Ramadan new links to terror ("Les nouveaux liens de Tariq Ramadan avec le terrorisme"), Jean-Charles Brisard, un expert sur les méthodes de financement du terrorisme nous fait part de ses dernières trouvailles concernant les affinités de notre héros avec la violence.
25 septembre 2006
À ma grande surprise, le département de la Sécurité intérieure vient à nouveau de rejeter la demande de visa de Ramadan. Je l'ai appris d'une de mes sources au département qui m'achemina une déclaration de Ramadan intitulée A Closed Door ("Une porte fermée") datée d'aujourd'hui et qui explique les derniers développements de la saga. Ramadan déclare avoir reçu le 21 septembre 2006 une lettre de l'ambassade américaine (vraisemblablement celle de Berne) qui refusait sa demande de visa. Pourquoi donc ? Selon Ramadan, le département d'État « invoque mon don de 600 euros à deux organisations humanitaires (en fait il s'agit d'une organisation française et de sa filiale suisse) au service du peuple palestinien. (…) Le gouvernement américain semble croire que ces organisations auxquelles j'ai donné de petits montants d'argent financent le Hamas ». Ramadan se déclare désappointé de la décision du gouvernement tout en ajoutant que, malgré tout, il est « fier que le département d'État ne soutienne plus que j'appuie le terrorisme ».
Janelle Hironimus, une porte-parole du département d'État rejeta l'interprétation avancée par Ramadan. Elle déclara que, dans son cas, le refus d'un visa temporaire pour les affaires et le tourisme était « basé uniquement sur ses actions qui consistèrent à supporter matériellement une organisation terroriste ». Elle ajouta également que les États-Unis « voient d'un bon œil les échanges de culture et d'idées avec le monde islamique ». Plus de 450 experts et leaders religieux dont une grande majorité de musulmans ont visité les États-Unis dans les trois dernières années.
Sur son blog, Bill West ne manqua pas de noter que l'explication de Ramadan et celle du département d'État sont incompatibles. Il ajoute : « Il est fort possible que le gouvernement n'ait dévoilé que la raison la plus facile à communiquer au public pour justifier son refus. En vertu de la loi sur l'immigration des États-Unis, une contribution à un organisme de charité servant de paravent au Hamas peut être interprétée comme un appui au terrorisme peu importe les contorsions intellectuelles de Ramadan et de ses supporteurs. En ce qui concerne le niveau de preuve requis pour refuser un visa, il est beaucoup moins élevé que ce qui s'applique dans les procès criminels. (…) Puisqu'il s'agit uniquement d'une procédure administrative, le ressortissant étranger ne bénéficie pas de tous les avantages d'un citoyen américain qui fait face à la justice. Le gouvernement n'avait qu'à faire valoir un seul motif pour s'opposer à la venue de Ramadan. Il n'est pas impossible qu'il en ait eu d'autres qu'on ne jugea pas opportun de communiquer ».
26 septembre 2006
D'autres détails en provenance du département d'État : le porte-parole Kurtis Cooper ajouta que l'officier consulaire qui refusa le visa à Ramadan « basa sa décision uniquement sur les actions du postulant, sur le support matériel qu'il apporta à une organisation terroriste ». Cooper refusa d'identifier les organisations qui bénéficièrent des dons de Ramadan. Par contre, Josh Gerstein du New York Sun identifia deux organisations : le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens basé à Paris et l'Association de secours palestinien de Bâle (Suisse), les deux figurant sur la liste noire des autorités américaines depuis août 2003.
De plus, Johanne Gurfinkiel, la secrétaire-générale du groupe suisse Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation nota une preuve circonstancielle qui étaye les liens de Ramadan avec le groupe basé à Paris. Il appert que les locaux de la succursale lyonnaise de ce groupe sont dans le même édifice que ceux d'une maison d'édition qui publie les ouvrages de Ramadan. « On se demandait, ce qu'ils peuvent bien faire ensemble, à la même adresse ».
11 février 2007
Claude Covassi, un ancien agent des services secrets suisses, confirme qu'Ayman al-Zawahiri rencontra Tariq Ramadan en 1991.
16 février 2007
Dans son article What the West Can Learn From Islam ("Qu'est-ce que l'Occident peut apprendre de l'islam?"), Ramadan reconnaît avoir contribué « environ 900$ à une organisation suisse palestinienne qui se trouve sur la liste noire américaine ». L'ambassade américaine en Suisse soutient qu'il « aurait dû savoir » que le groupe suisse entretenait des liens avec le Hamas. Ramadan nie qu'il s'agisse là du véritable motif de son exclusion des États-Unis. Il croit plutôt que l'administration américaine lui refuse l'entrée en raison de ses critiques de la politique américaine au Moyen-Orient et notamment de l'appui inconditionnel accordé à Israël, ce qui l'amène à faire fi des droits des Palestiniens.
Mes commentaires : (1) Il ne laissera pas tomber ; il ne reconnaîtra pas avoir fait quelque chose d'interdit par les lois américaines. Il cherche à tout prix à se faire passer pour un martyr de la liberté d'expression.
(2) Ramadan nous offre cette petite portion de son autobiographie dans un article pompeux qui informe les Occidentaux que des millions de citoyens occidentaux de confession musulmane proposent une nouvelle façon de voir le monde et la politique occidentale. Il affirme que leur présence en notre sein constitue une source de renforcement pour nos sociétés.
Son message aux Américains se résume à ceci : « Puisque nous, musulmans, sommes ici, adaptez-vous à nous et à nos idées ».
21 décembre 2007
Un autre juge vient de refuser les arguments de Tariq Ramadan et de ceux qui parrainent sa demande de visa. Hier, c'était au tour du juge Paul Crotty de conclure que le refus du gouvernement est légal. Le juge justifia sa décision en invoquant les contributions financières de Ramadan à une organisation terroriste. Ce faisant, il débouta l'American Civil Liberties Union (ACLU) qui cherchait à faire renverser la décision du gouvernement en plaidant que Ramadan ignorait que les organisations charitables qu'il supportait étaient liées au terrorisme. Crotty déclara que le financement d'une organisation terroriste constitue une « raison valable et légitime » pour justifier un refus de visa, ce à quoi Jameel Jaffer de l'ACLU rétorqua que « la raison invoquée par le gouvernement ne constituait qu'un simple prétexte ». L'ACLU compte en appeler de la décision.
23 janvier 2008
Ramadan, qui au départ semblait s'être résigné à l'idée de ne pas obtenir de visa, agit maintenant comme s'il était obsédé par l'idée de pouvoir entrer aux États-Unis. Ses demandes ont beau être rejetées les unes après les autres, il continue d'essayer. L'agence France-Presse rapporta les réactions de Ramadan dans un article intitulé Muslim scholar appeals US visa refusal ("Un expert de l'islam en appelle de la décision de lui refuser un visa") : « En ce qui me concerne, je considère que les actions du gouvernement américain à mon égard témoignent d'un manque de vision de sa part et d'arbitraire ». Il ajouta : « Cependant, je suis encouragé par le solide support que j'ai reçu de la part d'Américains ordinaires, de groupes de citoyens et particulièrement du milieu universitaire et de l'ACLU ».
Son changement d'attitude reflète effectivement que plusieurs ont pris fait et cause pour lui. Cary Nelson de l' American Association of University Professors déclara que, si elle était maintenue, la décision de décembre 2007 défavorable à Ramadan « pourrait servir de précédent pour limiter substantiellement la capacité des citoyens américains et celle de leurs organisations à entendre des experts étrangers sur des questions cruciales ».
De son côté, Jameel Jaffer de l'ACLU déclara que l'administration Bush « avait maintenant empêché la venue du professeur Ramadan aux États-Unis durant plus de trois ans. D'abord ils alléguèrent qu'il appuyait le terrorisme sans aucun fondement, puis ils déclarèrent que le traitement de sa demande de visa prendrait des années et maintenant ils invoquent des dons de charité qui étaient complètement légaux au moment où ils furent faits. (…) Dans le cas du professeur Ramadan et de plusieurs autres, le gouvernement a recours aux lois d'immigration pour stigmatiser et écarter ses critiques ainsi que pour censurer et contrôler les idées auxquelles les citoyens américains peuvent être exposés ».
28 avril 2008
Ramadan vient de déposer une poursuite fédérale dans le district sud de New York conjointement avec l' American Academy of Religion, l'American Association of University Professors et le PEN American Center. Ils sont supportés dans leur démarche par l' American Civil Liberties Union et la New York Civil Liberties Union. Michael Chertoff , le secrétaire du département de la Sécurité intérieure et la secrétaire d'État Condoleezza Rice sont les personnes mises en demeure. Un communiqué de l'ACLU résume les arguments de la poursuite : « Il est clair que la raison invoquée par le gouvernement pour exclure le professeur Ramadan n'est qu'un prétexte. (…) Le gouvernement n'a aucune justification légale pour empêcher les Américains de rencontrer le professeur Ramadan, d'écouter son point de vue et de débattre avec lui. Il s'agit de censure pure et simple. »
À cela, Ramadan ajouta ce qui suit : « Bien que les actions du gouvernement américain aient été arbitraires et inopportunes, je suis réconforté en constatant l'appui inébranlable que m'ont témoigné les Américains qui croient dans le principe d'équité et l'échange des idées. (…) Je demeure confiant qu'un jour je serai à nouveau capable de fouler le sol des États-Unis afin d'y rencontrer les Américains et de continuer mon travail avec les universitaires américains ».
18 mars 2009
En prévision de son appel qui sera entendu le 24 mars prochain par trois juges de la Cour d'appel de la région de New York, Ramadan a adressé une lettre ouverte à l'administration Obama pour rappeler sa version des faits. Il bénéficie par ailleurs d'un cadeau sans prix gracieuseté du New York Times soit un article de John Schwartz intitulé U.S. Is Urged to Lift Antiterror Ban on Foreign Scholars ("Les États-Unis sont incités à lever l'interdiction de séjour imposée aux experts étrangers").
24 mars 2009
Les procureurs de l'administration Obama se sont présentés en Cour aujourd'hui et ils plaidèrent pour que l'interdiction de séjour imposée à Ramadan soit maintenue. Le procureur David Jones déclara à la Cour d'appel que la position du gouvernement dans ce dossier demeurait inchangée. Un juge lui fit remarquer qu'une nouvelle secrétaire d'État dirigeait la diplomatie. « Pouvons-nous savoir s'il s'agit bel et bien de la position de l'actuelle secrétaire d'État ? », demanda le juge. « La position que vous défendez aujourd'hui a-t-elle été revue par les décideurs œuvrant aux échelons supérieurs du gouvernement ? » Jones répondit : « Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question».
En contrepartie, Jameel Jaffer de l' American Civil Liberties Union rétorqua que « le gouvernement avait été incapable d'identifier avec précision des raisons légitimes qui justifiaient l'interdiction de séjour de Ramadan ».
17 juillet 2009
Les trois juges de la Cour d'appel renversèrent à l'unanimité la décision du tribunal inférieur qui avait entériné l'interdiction de séjour de Tariq Ramadan aux États-Unis. Le jugement de 52 pages rédigé par le juge Jon O. Newman (auquel souscrivirent les juges Wilfred Feinberg et Reena Raggi) enjoint le gouvernement américain de « soumettre à Ramadan l'allégation qui pèse contre lui et de lui permettre de démontrer de façon claire et convaincante qu'il ne savait pas, ni qu'il n'aurait vraisemblablement pas pu savoir que la bénéficiaire de ses dons de charité était une organisation terroriste ».
Commentaires : (1) En plus de commettre une erreur terrible en ce qui concerne Ramadan, ce jugement donne aux ressortissants étrangers des droits dangereux et sans précédent pour leur permettre d'entrer aux États-Unis.
(2) Comme l'administration perdit sa cause, on ne peut qu'espérer qu'elle en appellera à la Cour suprême.
20 janvier 2010
Extrait d'un communiqué de l'Associated Press publié aujourd'hui :
La secrétaire d'État Hillary Rodham Clinton a signé les autorisations permettant l'entrée aux États-Unis des professeurs Tariq Ramadan de l'Université d'Oxford en Angleterre et Adam Habib de l'Université de Johannesburg en Afrique du Sud lorsqu'ils auront reçu les documents d'admission nécessaires, déclara le porte-parole Darby Holladay.
Clinton « a choisi d'exercer son pouvoir d'exemption au bénéfice de Tariq Ramadan et Adam Habib », déclara Holladay. « Nous croyons que cette action parle d'elle-même ». En lisant son document préparé, Holladay nota le changement d'attitude de l'administration américaine concernant les deux professeurs fréquemment invités aux États-Unis et auxquels on refusait le visa après qu'ils aient formulé des commentaires hostiles à la politique étrangère américaine. « Le président et la secrétaire d'État ont clairement laissé savoir qu'ils cherchent à établir une nouvelle relation avec les communautés musulmanes qui soit fondée sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel ».
Mes commentaires : (1) Je me suis toujours attendu à ce résultat. Tellement de forces influentes faisaient pression en faveur de Ramadan. Il est d'ailleurs remarquable que cette exclusion ait pu durer cinq ans.
(2) Notez que le changement de cap fut ordonné par les plus hauts échelons de l'administration. Le porte-parole du secrétariat d'État réfère d'ailleurs spécifiquement à Obama dans son communiqué.
(3) Notez la distorsion promue par le porte-parole du département d'État. Il attribue l'exclusion de Ramadan au fait qu'il ait « formulé des commentaires hostiles à la politique étrangère américaine ». Non, la raison invoquée pour justifier l'exclusion de Ramadan a toujours été sa contribution financière à une organisation terroriste. Pourquoi le département d'État ment-il aussi effrontément ?
(4) L'administration Obama inscrit sa décision dans le contexte de la poursuite d'une «nouvelle relation avec les communautés musulmanes qui soit fondée sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel ». Or, depuis le début, les motifs invoqués pour refuser l'admission à Ramadan se fondaient sur le terrorisme et non sur l'islam. Quelle bande d'amateurs !
(5) Prenez note de l'expression « respect mutuel », l'éternelle rengaine utilisée par Obama pour caractériser les relations du gouvernement avec les musulmans. J'ai d'ailleurs consacré un article complet à cette question.
(6) Combien de mes compatriotes américains se sentiront plus en sécurité en sachant que désormais Tariq Ramadan pourra échanger en personne avec nos islamistes ?