Il existe dans la religion islamique la conviction profonde qui veut qu'une terre conquise et colonisée par des musulmans devienne partie intégrante d'un patrimoine islamique inaliénable, un waqf. Si celui-ci vient par la suite à tomber sous la domination non musulmane, il est impératif de mettre fin à cette situation contre nature et intolérable. Ainsi dans son ouvrage The Muslim Discovery of Europe (New York : W. W. Norton, 1982), p. 182 [NdT, traduit en français par Annick Pélissier : Comment l'Islam a découvert l'Europe, Gallimard, 2005, nouvelle édition], Bernard Lewis observe la réaction musulmane face aux pertes territoriales subies il y a plusieurs siècles en Espagne et dans les Balkans. Il s'agissait de « terres islamiques, prises injustement à l'islam et destinées finalement à être rétablies comme telles ».
Le califat de Cordoue (en vert) vers l'an 1000. |
Dernièrement, les partisans de la restauration de l'Andalus sont devenus plus assertifs. « Plus de 500 ans après les faits, la mémoire de la domination islamique en Espagne a de plus en plus intégré le discours des cercles islamiques radicaux », observe Jonathan Dahoah-Halevi dans une publication du Jerusalem Center for Public Affairs, "Al-Qaeda: The Next Goal Is to Liberate Spain from the Infidels" [Le prochain objectif est de libérer l'Espagne des infidèles]. (En réalité, le titre n'est pas tout à fait exact car il n'y a pas qu'Al-Qaïda qui s'intéresse à cette question.) Il illustre ce phénomène de plusieurs exemples :
- Oussama ben Laden : « En somme, nous demandons à Allah... que l'oumma retrouve son honneur et son prestige, qu'elle brandisse à nouveau le drapeau unique d'Allah sur toutes les terres islamiques volées, de la Palestine à l'Andalousie. »
- Ayman al-Zawahiri : « Le retour de l'Andalus aux mains des musulmans est un devoir pour l'oumma en général et pour vous [Nord-Africains] en particulier. »
- Safar al-Hawali, un éminent cheikh saoudien, écrit dans une lettre à George W. Bush : « Imaginez Monsieur le Président que nous pleurons encore sur l'Andalousie. Rappelez-vous ce que Ferdinand et Isabelle y ont fait à notre religion, notre culture et notre honneur ! Nous rêvons de reprendre ce pays. »
- Abou Moussab Abdelwadoud, commandant du « Groupe salafiste pour la prédication et le combat » (GSPC) algérien, parle des musulmans algériens comme des « petits-enfants de Tariq bin Ziyad », le général musulman qui dirigea la conquête de la péninsule ibérique.
- Ansar al-Islam au Sahara musulman, Terre des Voilés : « Al-Andalus est face à nous et avec l'aide d'Allah nous reprendrons la Terre d'Islam et ce qui a été pillé à nos ancêtres, peu importe le temps que cela prendra. »
- Muhammad Mahdi Akef, chef des Frères musulmans en Égypte, mentionne la chute de l'Andalousie qu'il met en parallèle avec la perte de la Palestine, de l'Irak et de l'Afghanistan.
- Le Hamas a appelé les enfants palestiniens à aider à faire passer à nouveau la ville espagnole de Séville sous domination musulmane.
Commentaires : (1) On ne pourra pas apaiser cette campagne de contre-Reconquista par la voie politique. Dahoah-Halevi, ancien conseiller du ministère israélien des Affaires étrangères, souligne à juste titre que « le retrait espagnol de la guerre menée par la Coalition contre l'insurrection irakienne et les propositions de dialogue entre l'Espagne et le Hamas n'ont en aucune façon atténué l'hostilité à l'Espagne émanant des mouvements islamiques radicaux de ces dernières années. »
(2) La sympathie qu'éprouvent certains Espagnols pour les revendications musulmanes ne fera qu'encourager celles-ci.
(3) Ce rêve pourrait bien grandir au point d'inspirer, d'ici quelques années, des actes terroristes de grande ampleur et de devenir une question sécuritaire et politique majeure (11 octobre 2007).
Mise à jour, 2 juillet 2014 : Gianluca Mezzofiore de l'International Business Times observe que :
Les djihadistes basés en Syrie ont juré de reprendre l'Espagne – « la terre de nos ancêtres » - dans une vidéo tournée en espagnol castillan et publiée sur YouTube à partir d'un compte pro-gouvernemental syrien. Sur les images, on voit un jeune combattant présenter un autre « ami et frère » en disant : « nous allons parler en espagnol ». Le deuxième militant, portant un keffieh autour de la tête, déclare : « Nous sommes en Terre Sainte [Syrie], la terre de l'Islam et je dis et préviens tout le monde : nous vivons sous le drapeau islamique et nous mourrons pour lui jusqu'à ce que nous ouvrions ces terres verrouillées de Jakarta à l'Andalousie. Et je dis : l'Espagne est la terre de nos ancêtres et nous l'ouvrirons [NdT, la conquerrons] par la puissance d'Allah ».
Mise à jour, 17 août 2014 : L'État islamique (EI) prévoit également de reprendre l'Andalus, comme le révèle aujourd'hui l'analyse de Soeren Kern pour Gatestone. L'organisation a lancé sur les réseaux sociaux une campagne d'affiches présentant des images de célèbres monuments et symboles espagnols arborant des slogans arabes tels que « Nous sommes tous l'État islamique » et « Vive l'État islamique ». L'EI a produit une vidéo dans laquelle un djihadiste s'exprimant en espagnol avec un fort accent arabe, déclare : « Je dis au monde entier comme un avertissement : nous vivons sous le drapeau islamique, le califat islamique. Nous mourrons pour lui jusqu'à ce que nous libérions les terres occupées, de Jakarta à l'Andalousie. Et je déclare : l'Espagne est la terre de nos ancêtres et nous allons la reprendre par la puissance d'Allah. »
Le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernández Díaz, a déclaré que « l'Espagne fait partie des objectifs stratégiques du jihad mondial. ... Nous ne sommes pas les seuls mais nous sommes dans leur ligne de mire.